L’exploration spatiale vit une période exaltante : plusieurs missions vers la Lune ont été lancées au cours des derniers mois et de nombreuses autres sont prévues au cours des prochaines années. Fait particulièrement intéressant, le modèle économique de l’exploration spatiale est en pleine mutation et le secteur privé y contribue de plus en plus.
Ces changements, motivés par le potentiel des nouvelles opportunités grâce à l’utilisation des ressources spatiales, suscitent un grand intérêt de la part des agences et des investisseurs. Des études récentes ont suggéré que l’économie lunaire mondiale pourrait valoir 170 milliards de dollars en 2040 et entraîner la création de 2 millions d’emplois au cours des 15 à 20 prochaines années, représentant une opportunité économique à long terme attrayante. Le Luxembourg est à l’avant-garde de ce marché émergent.
Ressources spatiales : on parle de quoi ?
Le premier concept auquel les gens pensent souvent lorsque l’on parle de ressources spatiales est l’exploitation minière spatiale (ramener sur Terre des métaux précieux et potentiellement exotiques de l’espace) et plus spécifiquement depuis les astéroïdes. Pourtant, la réalité des ressources spatiales est que l’exploitation minière des astéroïdes reste à un stade conceptuel.
Une opportunité plus proche dans le temps pour exploiter et utiliser les ressources que nous trouvons dans l’espace est de les utiliser comme soutien à l’exploration spatiale et aux missions à long terme. C’est ce qu’on appelle l’Utilisation des Ressources In Situ (ISRU), et c’est ce qui motive l’intérêt actuel pour la Lune.
Une ressource utile à cet égard est l’eau, qui peut être utilisée pour produire du propulseur pour fusée mais aussi comme support de vie. La recherche d’eau dans le pôle Sud de la Lune fait actuellement l’objet de nombreuses missions planifiées. La construction de plateformes d’atterrissage et d’abris, la production d’énergie et la fabrication représentent d’autres technologies pour soutenir les futures missions spatiales exploitant les ressources lunaires.
Luxembourg, centre de l’écosystème spatial
Le Luxembourg joue un rôle central dans cette entreprise, avec la création du premier centre de recherche et d’innovation entièrement dédié aux ressources spatiales basé dans le Grand-Duché. Il s’agit de l’ESRIC (European Space Resources Innovation Centre) qui a été lancé en 2020 et qui fait partie du LIST (Luxembourg Institute of Science and Technology).
Le Luxembourg accueille également l’événement international de référence qui a récemment conclu sa sixième édition : la Space Resources Week. L’édition de cette année a réuni des acteurs clés du monde universitaire, de la recherche, des agences spatiales, de l’industrie, ainsi que du Groupe d’experts des Nations unies sur les affaires spatiales (UNOOSA), dans le but de définir des priorités, renforcer les activités coordonnées et explorer de nouveaux développements passionnants pour permettre à l’humanité d’aller plus loin dans l’espace, et de manière plus propre.
Des applications dans l’espace et sur terre
Un des aspects les plus passionnants des ressources spatiales est l’opportunité de repenser notre relation aux ressources que nous utilisons. Commençons par le commencement.
En tirant les leçons de l’exploitation des ressources sur Terre, nous pouvons voir que sur la Lune, nous devons minimiser la production de déchets et construire nos systèmes sur la base de l’éthique « réduire, réutiliser et recycler ». C’est l’occasion de développer des processus et des technologies qui ne laissent aucune trace, préservant ainsi la Lune pour l’avenir. Il va sans dire que cette remise en question radicale peut également être très bénéfique sur Terre, en nous permettant, en tant qu’êtres humains, de revoir notre approche des ressources que nous utilisons.
Un exemple clair est encore l’utilisation de l’eau, cette fois-ci dans le cadre de l’exploitation minière. Nous utilisons des quantités d’eau colossales pour séparer les minéraux dans le processus minier – un processus qui produit énormément de déchets appelés résidus. Sur la Lune, il est impossible d’utiliser l’eau de cette manière. Par conséquent, si nous voulons manipuler la poussière lunaire fine et abrasive, nous devons le faire sans eau. Les technologies et les approches conçues pour l’environnement spatial vont ainsi pouvoir être transposées sur Terre, pour réduire la consommation et les déchets, dans l’intérêt de tous.
Et ensuite ?
L’espace et les ressources spatiales représentent une véritable opportunité. Nous devons maintenant réfléchir aux leçons tirées de nos activités sur Terre et élaborer une feuille de route pour les ressources spatiales. Et si nous voulons y parvenir, nous devons le faire nous devons le faire de manière coordonnée en réunissant scientifiques, agences, juristes, chefs d’entreprise et investisseurs.
Cette chronique, rédigée par le Dr Kathryn Hadler, directrice du European Space Resources Innovation Centre (ESRIC), est parue dans la seconde édition du magazine Forbes Luxembourg. Vous souhaitez en recevoir un exemplaire? C’est par ici!
Biographie
Dr Kathryn Hadler est la directrice du European Space Resources Innovation Centre (ESRIC).
Financé par le programme PEARL du Fonds National de la Recherche (FNR), Kathryn a rejoint l’ESRIC en 2022 pour diriger le développement du Centre, en faisant progresser la découverte scientifique et le développement technologique dans l’utilisation des ressources spatiales, tout en affirmant la position de l’ESRIC et du Luxembourg dans le domaine des ressources spatiales. Elle est ingénieure chimiste de formation, avec de nombreuses années d’expérience dans le secteur du traitement des minéraux terrestres.
Avant de rejoindre l’ESRIC, elle était chargée de cours au Département des Sciences de la Terre et de l’Ingénierie à l’Imperial College London.
Basé au Luxembourg, l’ESRIC est le premier centre d’innovation au monde entièrement dédié aux ressources spatiales.