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Diane Von Furstenberg : « J’ai dessiné ma vie »

Diane Von Furstenberg, fille d'une survivante d'Auschwitz, consacre sa vie à l'émancipation des femmes et s'installe à Venise, qu'elle perçoit comme un symbole d'innovation et de créativité.

Diane Von Furstenberg est née d’une mère survivante d’Auschwitz. Elle évoque sa vie comme une épopée dédiée à toutes les femmes pour qu’elles deviennent celles qu’elles veulent être. Son QG sera désormais à Venise, qu’elle perçoit comme une « ville-femme », symbole d’innovation et de créativité.

Diane Von Furstenberg est née d’une mère survivante d’Auschwitz et évoque sa vie comme une épopée qu’elle dédie à toutes les femmes pour qu’elles deviennent celles qu’elles veulent être. Son QG sera désormais à Venise, qu’elle perçoit comme une « ville-femme », symbole d’innovation et de créativité.

Certaines histoires commencent comme coulées dans un roman-fiction et ce bien avant la naissance des protagonistes. Diane naît d’une mère rescapée des camps d’Auschwitz, arrêtée en 45 alors que le sort l’en avait d’abord épargnée. Alors scolarisée au Lycée Daschbeck, la directrice d’école la cache et la déclare comme non-juive. « Je n’ai jamais su pourquoi elle l’avait cachée », s’interroge encore sa fille. Le destin la rattrape néanmoins, elle est arrêtée et mise au travail à Ravensbrück (NDLR: le plus grand camp de concentration pour femmes) avant d’être sauvée à nouveau et libérée en juin 1945. « Elle pesait 29 kilos, c’était incroyable qu’elle n’en soit pas morte. » Nourrie « comme un petit oiseau toutes les dix minutes », elle épouse son fiancé revenu de la guerre et donne naissance à la future woman in charge dans les deux ans, contre toutes les recommandations des médecins craignant de mettre ses jours en danger avec une grossesse. Diane Von Furstenberg vient à la vie comme un défi à la mort.

« J’ai été poussée à ne pas avoir peur, à voir au-delà de cette peur. Si j’avais peur du noir, elle me mettait dans un placard pour l’affronter. Bon, aujourd’hui, elle pourrait aller en prison pour des pratiques pareilles, mais c’était sa façon de me rendre indépendante et forte ». Cette configuration extrême fait d’elle une résistante dès sa naissance. 

« Au plus j’ai gagné confiance en moi, au plus je l’ai partagée avec d’autres femmes »

« J’ai commencé à dessiner et produire des robes à 22 ans lorsque d’Italie, j’ai suivi celui qui était mon fiancé à New York. Ma valise était pleine de petites robes en jersey, j’ai travaillé avec un fabricant à Côme. J’avais du mal à dire que j’étais designer, je disais que je faisais des robes », confie-t-elle. Aujourd’hui son statut est totalement assumé et porte son message féministe avec le plus grand nombre de femmes. « J’ai toujours été féministe. Je savais que je voulais être une femme en charge, libre. Je suis devenue cette femme à cause d’une robe. Lors de mon chemin, au plus j’ai gagné confiance en moi, au plus je l’ai partagée avec d’autres femmes. Cette robe a été une clé pour moi et toute une génération de femmes ». De fait, une robe qui a une durée de vie de 50 ans, est un fait notable dans la mode. « J’ai dessiné ma vie. J’ai eu des hauts et des bas, j’ai eu un cancer, des traversées du désert. Quoiqu’il arrive, j’ai toujours continué à m’inventer et à inventer. » Elle clame qu’elle n’a jamais voulu être une autre femme qu’elle-même, comme une affirmation à celle que la vie n’attendait pas. De là vient le mouvement « In charge », l’engagement que chaque femme doit à soi-même. « J’appelle à assumer sa vulnérabilité, c’est une très grande force. »

© Mireille Roobaert

Désormais guidée par l’héritage qu’elle laissera, Diane Von Furstenberg s’installe désormais à Venise. « J’y passerai l’hiver de ma vie », décide-t-elle.

Sa première valse à Venise a lieu avec Egon (Von Furstenberg) « qui était mon boyfriend à l’époque. Il m’a amenée a un grand bal, nous logions chez sa tante qui vivait dans un grand palais. J’étais très impressionnée, vous imaginez, une jeune femme à un bal à Venise…j’ai découvert Maria Callas, Jane Fonda ». Diane, devenue entretemps Von Furstenberg, a visité Venise une fois par an pour des raisons différentes. Depuis une dizaine d’années, son tour annuel de la Méditerranée en bâteau finit toujours à Venise. « J’ai lu une très jolie biographie de Venise écrite par un historien américain et j’ai imaginé que c’était une femme. J’aurais aimé être Venise qui a tout inventé et j’ai eu très envie de raconter la ville à la première personne. Réfugiée de la terre ferme à cause des Mongoles, elle a construit ce miracle de petits canaux et c’est devenu un centre de commerce et maritime. Ce fut la plus longue république d’Europe (1400 ans)! », s’enthousiasme-t-elle. « Elle a inventé le système bancaire, l’imprimerie, la diplomatie, le vélo. Tout ce qui est arrivé de précieux, des étoffes aux épices, est passé par cette ville. Venise pourrait jouer un grand rôle dans le futur, celle qui a toujours tout inventé dans son passé. » 

© Diane Von Furstenberg

L’innovation est-elle caractéristique du féminin? « Ce qui a de féminin dans Venise, c’est qu’elle est belle, guerrière, femmes d’affaires à la fois. Un personnage unique qui a été raconté et peint par les plus grands artistes. » Les premiers pas sont posés, la philanthrope connecte intellectuels, artistes, économistes et leaders d’opinions issus d’univers divers pour créer de nouveaux chemins. 

« C’est désolant comme la médiocrité est en train de séduire »

« C’est désolant comme la médiocrité est en train de séduire. » Il lui semble capital d’œuvrer pour élever le débat, réunir des intellectuels, proposer des solutions pour améliorer demain. « Ça passera par la Femme, malgré le fait qu’on essaye de nous pousser en arrière partout dans le monde, y compris dans nos sociétés occidentales. Pourtant, ce sont toujours les femmes qui trouvent les solutions. Même la femme la plus soumise au monde sera en charge quand il s’agira de prendre des décisions radicales et fera preuve du plus grand courage. La femme fait partie de la solution », insiste-t-elle.

Venise lui inspire l’inventivité comme une définition atavique d’elle-même, une forme d’émancipation qu’elle souhaite insuffler à d’autres femmes « pour que chaque femme devienne la femme qu’elle veut être ». « J’ai horreur de la médiocratie. Je suis très agréablement surprise par les plus jeunes. Ils sont très conscients des enjeux et leur énergie, même nourrie par un fond de révolte, me donne espoir en un monde meilleur. » 

« Mon engagement, je le vis au-delà de moi-même. Je rentre dans l’hiver de ma vie, Venise est un très joli endroit pour faire une scène. » Diane Von Furstenberg assume qu’elle est pour l’instant dans une phase d’écoute, elle improvise, elle avance par instinct et suit le cours que lui propose la ville, à l’instar de ses canaux, ses palais, ses monuments. 

« Venise incarne pour moi la mère des logistiques, cela résonne singulièrement à une époque où l’on renouvelle les logistiques. Une véritable modernité. »

© Diane Von Furstenberg

Sa vie est suffisamment est hors normes pour intéresser Sharmeen Obaid, cette Pakistanaise bardée de deux oscars, celle qui fut l’auteure du premier film sur les talibans. « Ce projet nous a donné l’envie de nous engager pour créer un pont. Je suis juive, elle est musulmane, nous avons besoin d’unir nos communautés et de créer des ponts. » Sa première idée est pourtant de réaliser un documentaire sur toutes les femmes à qui elle a donné des prix aux DVF Awards. « Mais finalement, ils (les producteurs) ont préféré faire un film sur moi. Je ne comprends pas ce qu’il y’a à raconter, ce n’est pas très intéressant de toujours raconter ma vie », s’étonne-t-elle sincèrement « mais si je peux donner de la visibilité et de la confiance aux autres femmes à travers ce documentaire, alors je suis contente. » Ce sera pour ce 25 juin sur Disney +. Le pitch est évocateur : « La vie de Diane Von Furstenberg symbolise l’empowerment, la résilience, l’entreprenariat et le style. Elle contemple son chemin pionnier dans un secteur dominé par des hommes pour ériger un empire multimillionnaire. » 

« J’ai eu une vie extraordinaire, j’ai été ultra privilégiée, je veux aider! » s’enthousiasme-t-elle. Elle est déjà engagée avec Vital Voices et son époux Barry Diller œuvre pour l’amélioration des espaces publics. C’est d’ailleurs lui qui lui demande qu’ils réfléchissent à une cause commune au couple. Ils sont signataires depuis 10 ans de Pledge, une communauté qui s’engage à verser 50% de sa fortune de leur vivant ou à leur décès. « L’inégalité devient tellement épouvantable. Mon fils est très engagé sur le sujet. Comment certaines grandes fortunes peuvent ne payer aucun impôt uniquement en faisant de l’optimisation fiscale? Ça me révolte. Je pense que ‘Kindness is a currency and generosity, the best investissement’. ( NDLR: La gentillesse est une monnaie et la générosité, le meilleur investissement). » Si l’on couple cela à son attitude « sans excuses », cela sonne comme un mantra complet. 

Salma Haouach
Salma Haouach
De formation ingénieure de gestion de Solvay en 2001, major finance, Salma Haouach a démarré sa carrière dans le secteur financier avant de travailler dans l’ingénierie marketing et la communication stratégique à Valencia, Casablanca, Bordeaux et Le Havre avant de revenir à Bruxelles il y’a 10 ans et poursuivre sa carrière dans le conseil en stratégie et leadership durable. Parallèlement, elle a construit une carrière médiatique comme chroniqueuse dans des médias audiovisuels nationaux à partir de 2008 (L’Express, La Première, La Deux, BX1), elle a créé un média online d'éducation aux médias (Le Lab.) puis éditant et présentant deux émissions économiques : Coûte que Coûte sur Bel RTL et Business Club sur LN24.

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