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« Nous constatons une complémentarité croissante entre philanthropie et investissement à impact »

Maximilian Martin, de Lombard Odier, met en avant l’héritage philanthropique de la banque et sa convergence avec l’investissement à impact, répondant aux attentes de clients pour des actions efficaces et mesurables au service de causes sociales et environnementales.

Maximilian Martin, responsable de la philanthropie auprès du Groupe Lombard Odier, explique à Forbes Luxembourg l’héritage philanthropique de la banque et les évolutions en cours dans ce secteur. Selon lui, l’innovation financière peut servir des objectifs sociaux ambitieux et mesurables. Les attentes des clients s’orientent vers l’impact social, des aspirations personnalisées, un besoin de simplification et une volonté de faire la différence.

Maximilian Martin, pouvez-vous rappeler l’origine des activités philanthropiques de Lombard Odier ?

L’ADN philanthropique de Lombard Odier, fondée en 1796 à Genève, s’est forgé au fil des siècles. Par exemple, Charles Odier, l’un des associés du XIXe siècle, a aidé des associations religieuses locales pour les plus pauvres. Alexandre Lombard a également participé à la fondation de la Croix Rouge. Cela remonte à l’époque où Henri Dunant, Genevois lui aussi, a été témoin de la bataille de Solférino en 1859. Face à l’horreur des combats, il a rédigé un livre pour appeler à une meilleure prise en charge des blessés. Il a fait appel à divers partenaires, dont Lombard Odier, pour concrétiser cette vision et aboutir à la création du CICR (Comité International de la Croix Rouge), avec laquelle nous avons gardé une relation très étroite, et qui perdure jusqu’à aujourd’hui.

Cet héritage s’est modernisé. Aujourd’hui, nous formalisons nos actions philanthropiques via deux entités principales et distinctes : la Fondation Lombard Odier, créée en 2004 et financée par le groupe avec des objectifs d’impact ciblés, et la Fondation Philanthropia, une fondation abritante créée en 2008. Cette dernière permet à nos clients de structurer leurs engagements philanthropiques tout en bénéficiant de notre expertise.

« Nous avons ainsi créé plus de 40 fonds philanthropiques sous l’égide de la Fondation Philanthropia. »

Quelles sont les attentes de vos clients en matière de philanthropie, et comment évoluent-elles ?

Je constate trois grandes tendances dans les attentes de nos clients. D’abord un intérêt croissant pour l’impact social. Nos clients souhaitent comprendre comment leurs ressources peuvent vraiment faire la différence, en y associant les jeunes générations. Cela passe par une volonté de structuration, mais aussi de mesure des résultats. Ensuite, des aspirations personnelles et diversifiées. Les motivations des philanthropes sont souvent liées à leur histoire de vie ou à celle de leur famille. Par exemple, certains soutiennent la rénovation du patrimoine, comme la Chapelle royale du château de Versailles. D’autres préfèrent financer des programmes éducatifs, des recherches médicales ou des initiatives environnementales. Enfin, un besoin de conseil et de simplification. La philanthropie peut être complexe. Aux États-Unis, une étude de l’Université de Stanford a montré que les coûts de transaction d’une donation, incluant les frais de fundraising et de gestion, peuvent représenter entre 22% et 43 % du montant donné. C’est énorme. C’est pourquoi nous accompagnons nos clients dans la structuration de leurs projets philanthropiques pour maximiser leur efficacité, via notre fondation abritante. Nous avons ainsi créé plus de 40 fonds philanthropiques sous l’égide de la Fondation Philanthropia. Cette logique de plateforme permet aux clients de se concentrer sur leurs engagements sans se préoccuper des aspects administratifs que requiert une fondation autonome.

La philanthropie tend-elle à converger vers l’investissement à impact, avec des principes comme l’intentionnalité, l’additionnalité ou la mesure des résultats ?

Absolument. Nous constatons une complémentarité croissante entre philanthropie et investissement à impact. Par exemple, nous avons collaboré avec le CICR (Comité international de la Croix-Rouge) pour lancer le premier impact bond humanitaire en 2017, le Programme for Humanitarian Impact Investment pour un total de 26,5 millions de francs suisses. Il ne s’agit pas d’une obligation, mais d’un contrat, qui comprend l’obligation de délivrer certains services et une performance financière, c’est-à-dire le remboursement du capital et un rendement potentiel.

Ce mécanisme novateur a permis de financer trois centres de la réhabilitation physique au Mali, au Nigeria et en République démocratique du Congo, avec le meilleur rapport possible entre les bénéfices pour le patient et les ressources déployées, et une gestion optimisée des données des patients.

Ces centres de nouvelle génération, construits en pleine période de Covid-19 et parfois dans des contextes instables, avec deux coups d’État ayant eu lieu au Mali, ont été opérationnels dès 2021. Résultat : une augmentation de la productivité des employés de la santé et de l’efficacité des centres d’environ 10 %, même si le rendement financier pour les investisseurs a été nul, en raison de ces conditions très difficiles. Ce type d’initiative illustre comment l’innovation financière peut servir des objectifs sociaux ambitieux. Cette approche est désormais progressivement mise en œuvre dans les autres centres du CICR.

Cela dit, certaines causes restent l’apanage de la philanthropie classique. Prenez les droits humains : il n’existe pas de business model qui puisse associer rentabilité et impact social pour ce type de problématiques.

« La philanthropie n’est plus un domaine périphérique. Elle est au cœur des attentes de nos clients et des enjeux du monde actuel. »

Comment évaluez-vous l’impact des actions menées, qu’elles soient purement philanthropiques ou liées à l’investissement à impact ?

L’évaluation de l’impact est essentielle, en particulier pour les jeunes générations. Dans le cadre d’un impact bond, par exemple, les performances sont liées à des indicateurs spécifiques. Pour les centres de réhabilitation physique que nous avons soutenus, nous avons mesuré des critères comme le nombre de prothèses ajustées par employé ou la satisfaction des patients. Ces données nous permettent de tirer des enseignements concrets pour améliorer nos futures actions.

Dans le domaine culturel, nous avons également accompagné des institutions suisses pendant la pandémie, les aidant à se digitaliser ou à atteindre de nouveaux publics. Les résultats de ces initiatives sont analysés pour optimiser nos actions à l’avenir. Néanmoins, beaucoup de gens continuent à financer des activités à fonds perdus dans une action philanthropique classique qui bénéficie à celles et ceux qui ont besoin de notre soutien.

La philanthropie est-elle davantage intégrée aujourd’hui aux métiers bancaires qu’auparavant ?

La philanthropie n’est plus un domaine périphérique. Elle est au cœur des attentes de nos clients et des enjeux du monde actuel. Nous vivons une période marquée par des crises climatiques et sociales majeures. Nos clients réfléchissent de plus en plus à ce qu’ils peuvent faire pour contribuer à un changement positif. Notre rôle, chez Lombard Odier, est d’apporter des solutions concrètes, qu’il s’agisse de créer des fonds philanthropiques, de structurer des donations complexes ou de concevoir des produits financiers ayant un impact mesurable. Et je pense que c’est ainsi que nous pouvons ensemble construire un avenir plus durable.

Nicolas Raulot
Nicolas Raulothttps://finascope.fr/
Nicolas Raulot est journaliste et fondateur du média financier Finascope.fr. Il compte 20 ans d’expérience de la presse. Ses articles ont été publiés dans des médias français (La Tribune, L’Agefi), belge (L’Echo), luxembourgeois (Paperjam) et suisse (Le Temps). Son parcours journalistique a commencé en France en 2000 à l’Agefi avant d’être poursuivi à La Tribune jusqu’en 2008. Il a ensuite exercé son métier au Luxembourg où il est devenu rédacteur en chef de Paperjam.lu. Nicolas Raulot a aussi travaillé dans le secteur financier comme courtier sur le marché monétaire et comme responsable éditorial et relations presse. Il est diplômé de l’Institut Supérieur de Gestion (ISG), du Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ) et de l’Université de Luxembourg (Master in Wealth Management). Nicolas Raulot est l’auteur de On a vendu la Bourse (Editions Economica, 2007).

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