Si elle cumule ses rôles de CEO de la Chambre de Commerce belgo-luxembourgeoise au Chili et d’avocate en droit des affaires, Ann Bruggeman se destinait à devenir pédiatre. Quand elle comprend qu’elle allait devoir endurer quatre à six heures de physique par jour, elle se résigne. Elle délaisse alors son rêve de médecine. Son père lui souffle de choisir le droit : cela lui ouvrirait de nombreuses portes. La suite de cette histoire lui donnera raison…
Née à Anvers, Ann Bruggeman a suivi tout son parcours scolaire en Belgique. Diplômée en droit des sociétés à l’UCL de Louvain-la-Neuve, elle aspire à plus grand que la Belgique ; il y a tant à découvrir à travers le monde. Elle s’envole pour Milan : une année d’Erasmus pour y étudier le droit commercial international. Son Master en poche, plutôt que de rempiler pour un LLM, elle poursuit son cursus en Suisse, où elle entre en MBA à la United International Business Schools : « Cela me permettait d’aller davantage vers le côté du business international. Tout de suite après, j’ai décroché mon premier emploi, dans un cabinet d’affaires à Luxembourg ; j’y avais déjà fait un stage durant mes études. Je me suis tout de suite senti comme chez moi à Luxembourg, le côté polyglotte (ndlr. Ann parle cinq langues couramment) le multiculturalisme, les communautés. C’était un melting pot hyper enrichissant. » C’est également au Grand-Duché que sa vie personnelle se noue : elle y rencontre Felipe, avocat et expatrié comme elle ; il est né au Chili. Il deviendra son mari. « Au bout de quelque temps de relation, il me fait part de son souhait – très vif – de retourner vivre dans son pays natal, qu’il avait quitté depuis de nombreuses années. Si je pouvais bien entendu comprendre son sentiment, ça n’en restait pas moins un séisme pour moi, et un changement radical de vie. » Après avoir passé le barreau en Belgique, Ann Bruggeman l’avait également passé au Grand-Duché : sa voie semblait toute tracée entre ses deux patries de cœur.
Qu’à cela ne tienne, la vie est courte ; il faut parfois se laisser surprendre. La date du départ fixée et les valises presque prêtes, voilà qu’un chasseur de tête la contacte et lui propose ce qui avait tout du job de ses rêves. « Une opportunité comme celle-ci ne se présente pas deux fois dans une vie, j’ai donc tenté ma chance. L’entretien de recrutement dure trois heures ; je rencontre cinq partners et à la fin l’un d’eux me dit que le poste est pour moi. Forcément, à cet instant, je me dis que l’univers tout entier veut que je reste en Europe ! » Raisonnable, Ann décide de laisser passer les trois mois de son voyage au Chili pour prendre le temps de la réflexion, « je leur avais parlé de ce trip en Amérique latine, et me suis alors engagée à revenir vers eux au terme de cette expérience. »
« C’est important de donner de la place à ces femmes, de les rendre visibles et de faire entendre leur voix afin d’en inspirer d’autres. »
Une fois au Chili, fidèle à elle-même, Ann refuse de se reposer sur ses lauriers « être l’épouse de… très peu pour moi ! » Elle ne maîtrise pas encore assez l’espagnol pour s’y sentir comme chez elle : elle se lance dans l’apprentissage de la langue, qu’elle maîtrise très rapidement. Une corde de plus à son arc.
Depuis son arrivée, son mari s’est fait sa place en tant qu’avocat et a noué de nombreux contacts avec la Chambre de commerce belgo-luxembourgeoise au Chili : il invite sa femme à faire de même. « C’était rassurant de me retrouver au milieu d’expatriés, qui, comme moi, étaient confrontés aux mêmes problématiques. Très vite, j’y ai fait des rencontres qui sont venues combler le vide laissé par mes amis et ma famille, restés en Europe. » Professionnellement, la Chambre de Commerce belgo-luxembourgeoise au Chili lui ouvre également de nouvelles portes : elle se propose de les soutenir, à titre honorifique, en tant que Legal Counsel. En parallèle, elle intègre également un cabinet d’avocats d’affaires : EDN Abogados.
Une nouvelle vie qui démarre certes sur les chapeaux de roue, mais qui n’en reste pas moins éprouvante. « Cela n’a pas été facile, les premières semaines, de me retrouver loin de mes cercles familiaux et amicaux et de ‘dépendre’ d’une certaine façon de mon mari. C’était tellement loin de mon caractère. Pour autant, je n’ai jamais regretté cette décision. Au bout de trois mois, il était pourtant évident que ma vie était désormais ici ; j’ai donc décliné l’offre qui m’avait été faite avant mon départ. Repartir de zéro me semblait être la voie qui m’attendait, j’étais parfaitement alignée avec ce choix. » De l’art du risque parfaitement maîtrisé.
Une année s’est écoulée depuis qu’elle a rejoint son mari au Chili, quand le Président de la Chambre de Commerce appelle Ann Bruggeman, pour lui annoncer que le poste de CEO était à prendre et qu’elle correspondait en tous points au profil recherché. « J’ai posé ma candidature et suivi tout le processus de recrutement. Quand j’ai appris que j’étais choisie, j’ai ressenti une vraie joie. L’idée de devenir le lien entre ce nouveau pays cher à mon cœur et mes deux patries – la Belgique et le Luxembourg – m’apportait vraiment beaucoup de bonheur. Cela fait maintenant sept ans, et cela n’a pas changé d’un iota ! » Un sentiment sincère et surtout partagé avec les investisseurs qui collaborent chaque jour avec Ann Bruggeman : « Cela les rassure de travailler avec une tête connue et de parler leur langue. Investir sur un autre continent n’est pas chose anodine ni aisée, c’est important de pouvoir nouer des relations de confiance. »
Depuis sept ans, Ann Bruggeman jongle ainsi entre deux carrières, puisqu’elle a souhaité conserver son poste d’avocate en droit des affaires chez EDN Abogados. « Ce sont deux mi-temps qui, clairement, font plus d’un temps complet », s’amuse-t-elle, avant de poursuivre : « mais cet équilibre est très important pour moi, ce sont deux ‘casquettes’ qui se complémentent parfaitement et les deux parties prenantes savent que je suis capable de mener ces deux carrières de front. Cela demande des ajustements ; commencer un peu plus tôt ; finir un peu plus tard. » Entre-temps, Ann Bruggeman a également mis au monde deux petites filles, dont une est encore en bas âge ; leur éducation est également l’une de ses priorités. « C’est très fréquent, au Chili, de recourir aux services d’une nounou à plein temps. Mais je ne conçois pas mon rôle de mère de cette façon. Quand j’étais au Luxembourg, je voyais tant de femmes qui quittaient le bureau vers 18h pour se reconnecter une fois leurs enfants couchés. J’ai adopté ce rythme. J’ai beaucoup de chance que mes deux jobs me permettent d’être flexible et de conjuguer ces trois vies de front. Mes boîtes mail sont toujours ouvertes, je switche de l’une à l’autre en fonction des urgences et des priorités. C’est un sacré travail d’équilibriste, mais j’y trouve mon énergie. »
Guider les femmes dans leur leadership
Au Chili, les femmes ont le droit de vote depuis 1934, et le pays est, depuis, très engagé en faveur de l’égalité entre hommes et femmes : il est d’ailleurs une des seules nations au monde à avoir été gouverné par une femme Présidente, la socialiste Michelle Bachelet, qui a occupé ces fonctions entre 2006 et 2010, puis entre 2014 à 2018. De ce fait, Ann Bruggeman le confesse, elle n’a jamais ressenti de différences de traitement du fait de son genre depuis son arrivée au poste de CEO malgré une forte présence masculine. « Au contraire, la Chambre de Commerce œuvre largement en faveur de femmes. Une de nos valeurs centrales est de les encourager et de les soutenir au quotidien. » C’est ainsi dans ce cadre que la Chambre de Commerce a créé un Summit de Femmes Leader où un panel de femmes sont invitées à chaque nouvelle édition pour évoquer leur leadership. « Nous nous apprêtons justement à accueillir madame Bachelet, notre ex-Présidente de la République. C’est important de donner de la place à ces femmes, de les rendre visibles et de faire entendre leur voix afin d’en inspirer d’autres. »
Cette année, un nouveau défi attend Ann Bruggeman. Elle vient en effet d’être nommée par la Chambre Nationale de Commerce du Chili, afin d’intégrer une commission regroupant vingt femmes CEO, dans le but d’échanger des bonnes pratiques, mais, surtout, de trouver des solutions. « Notre souhait est véritablement de mettre en place des actions concrètes au niveau gouvernemental pour faire évoluer les choses au quotidien. L’égalité hommes-femmes est certes en bonne voie ici, mais elle restera toujours fragile. Il suffit d’observer les conséquences de la crise sanitaire. Pendant le covid, 29% des Chiliennes ont cessé de travailler pour s’occuper de leur famille. Peu à peu, ces femmes reprennent leurs fonctions, mais cela nous a vraiment permis de constater à quel point cet équilibre était précaire. Cette commission travaillera notamment sur ces problématiques. »
« La Chambre de Commerce belgo-luxembourgeoise au Chili joue un rôle clé pour les investisseurs en facilitant l’accès aux ressources, en offrant des services d’accompagnement, et en défendant les intérêts de ses membres […] »
Économies verte et bleue : le rôle fondamental de la Chambre de Commerce Belgo-luxembourgeoise au Chili
Parce qu’il est lié à plus de 60 traités de libre-échange et qu’il vient de signer le 13 décembre 2023 avec l’Union européenne (UE) un l’accord-cadre avancé, crucial sur le plan géopolitique, le Chili offre un cadre juridique propice à la libéralisation des échanges et des investissements. Cette forte volonté d’intégration dans l’économie mondiale rend le Chili très attractif pour les investisseurs. Chaque année, plusieurs sociétés belges et luxembourgeoises font les premiers pas pour s’installer au Chili, ce qui démontre du vif attrait pour ce pays d’Amérique latine.
Un des grands secteurs d’intérêt est celui des énergies renouvelables qui est en pleine croissance. Le Chili est devenu un leader mondial dans la production d’énergies renouvelables, en particulier dans le solaire et l’éolien. Le désert d’Atacama possède d’ailleurs l’un des plus grands potentiels solaires au monde. D’ailleurs, le plus important cluster d’investisseurs de la Chambre appartient au secteur énergétique.
En outre, riche en ressources naturelles abondantes, le Chili est le plus grand producteur mondial de cuivre et l’un des principaux producteurs de lithium, deux ressources essentielles à la transition énergétique mondiale. Investir dans les secteurs minier et technologique au Chili peut s’avérer extrêmement rentable, tout en étant compatible avec les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance).
Enfin et avec un littoral de plus de 4000 kilomètres, le Chili offre un potentiel considérable dans le secteur de l’économie bleue, notamment dans la pêche durable, l’aquaculture et l’énergie marine. C’est une opportunité clé pour des entreprises spécialisées dans les technologies maritimes et l’innovation durable.
« Le Chili est un État de droit, et représente donc une plateforme d’investissement stable pour d’autres nations. Qui plus est, c’est le pays d’Amérique latine où le taux de corruption est le plus bas. Enfin, le Chili applique le principe de la neutralité fiscale vis-à-vis des investisseurs étrangers, les taxes sont donc les mêmes que l’on soit un investisseur local ou étranger. Tout cela contribue à faire du Chili un pays vraiment très intéressant pour les investisseurs », explique encore Ann Bruggeman.
La Chambre de Commerce Belgo-luxembourgeoise au Chili joue ainsi un rôle fondamental dans l’accompagnement des investisseurs et des entreprises membres dans les secteurs de l’économie verte et bleue (entre autres). Elle facilite en effet la mise en réseau, ainsi que la création de partenariats stratégiques entre acteurs locaux et internationaux, favorisant ainsi l’innovation dans des domaines comme les énergies renouvelables – et notamment l’hydrogène –, l’agriculture durable et la gestion des ressources marines et hydriques. En tant que centre d’informations, la Chambre de Commerce belgo-luxembourgeoise au Chili offre des rapports détaillés sur les politiques publiques et les opportunités d’investissement, permettant ainsi aux entreprises de faire des choix éclairés. Par ailleurs, elle défend activement les intérêts de ses membres en plaidant pour des politiques favorables au développement durable, tout en organisant des formations destinées à renforcer les compétences des entreprises dans l’adoption des pratiques durables. Grâce à toutes ces initiatives, la Chambre de Commerce belgo-luxembourgeoise au Chili contribue à créer un environnement sain et propice à un développement économique harmonieux et durable entre le Chili, l’Europe et bien au-delà. « La Chambre de Commerce belgo-luxembourgeoise au Chili joue un rôle clé pour les investisseurs en facilitant l’accès aux ressources, en offrant des services d’accompagnement, et en défendant les intérêts de ses membres dans le développement durable et les investissements dans l’économie verte et bleue. C’est vraiment quelque chose de passionnant », conclut Ann Bruggeman.