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CRE : une fonction stratégique en quête de reconnaissance

Depuis la pandémie, les entreprises revoient leur stratégie immobilière pour optimiser leur performance, avec un rôle de plus en plus stratégique pour les responsables immobiliers (CRE), selon JLL.

Depuis la pandémie, les grands organisations revoient leur approche immobilière pour répondre à leurs défis d’affaires et de performance. Responsables de la gestion globale des portefeuilles immobiliers et de son intégration dans la stratégie du groupe, les Corporate real estate executive (CRE) peinent à s’imposer comme de véritables influenceurs, et non plus comme de simples exécutants dans ce domaine, relèvent deux études récentes de JLL.

Depuis la pandémie, les entreprises connaissent des défis critiques relève JLL. Dans son étude « The Future of Work Survey 2022; Five critical challenges ahead for real estate », le groupe américain de conseils et de services dans l’immobilier professionnel note en effet que « l’exécution de leurs objectifs stratégiques est devenu plus complexe et les services d’externalisation plus sophistiqués ; le pouvoir est passé de l’employeur aux employés, obligeant les organisations à réinventer leurs stratégies professionnelles et de portefeuille ; et le recours accru à la technologie devient cruciale pour améliorer les niveaux de performance sur tous les fronts ».

L’enquête a été réalisée au printemps 2022, auprès de quelque 1.100 responsables seniors en immobilier d’entreprise dans le monde.

Selon ses auteurs, les décideurs stratégiques ne peuvent ignorer l’impact durable du travail hybride sur leur organisation. Et offrir des options dans ce domaine sera essentiel pour attirer et retenir les talents. Les entreprises doivent donc rechercher de nouvelles opportunités de main-d’œuvre stratégique et redéfinir en conséquence leurs priorités en matière de dépenses futures pour s’aligner sur ces objectifs.

Un catalyseur essentiel

Dans ce contexte, comment ces dernières adoptent-elles à leur avantage ces nouvelles donnes ? Comment réorganisent-elles leurs stratégies et leurs portefeuilles immobiliers ?

Un portefeuille immobilier regroupe tous les immeubles (biens et infrastructures) détenus et/ou occupés par une entreprise : bureaux, entrepôts, centres de données, espaces de vente…

Pour les organisations interrogées, « l’immobilier est devenu un catalyseur essentiel dans leur parcours ESG et soutiendra simultanément les impacts sociaux et environnementaux positifs, » rapporte l’étude.

« Aussi, leur stratégie en matière d’immobilier commercial déterminera dans quelle mesure elles réussiront à s’adapter à ces transformations rapides ».

Une fonction stratégique

Face à ces nouveaux défis, la gestion du portefeuille immobilier devient une fonction désormais stratégique au sein des grands groupes. Tout comme le rôle du décideur en charge de cette mission au niveau global : « le « Corporate real estate executive (CRE) ».

Conséquences pour la fonction ? L’enquête de JLL révèle que :

  • 77 % des dirigeants de l’immobilier d’entreprise s’attendent à ce que leur mandat pour mettre en place ces changements soit renforcé. 62% des fonctions de l’immobilier commercial anticipent une augmentation de leur budget.
  • 75 % des principales fonctions de l’immobilier d’entreprise prévoient de s’appuyer davantage sur des partenaires externes.
  • 74 % disent qu’ils sont susceptibles de payer plus cher pour plus de certifications écologiques. 56 % prévoient de le faire.
  • 13 % déclarent collecter des données en continu ou en temps réel à l’aide d’analyses avancées.

Quelle sera la prochaine étape pour ces derniers ? « Confrontés à ces défis critiques, ils doivent maintenant prendre des décisions cruciales, dont l’issue aura un impact durable sur le fonctionnement de leur organisation pendant le reste de cette décennie et au-delà, » relève l’enquête.

Et pour réussir à saisir ces opportunités, « il faudra réfléchir au travail, à la main-d’œuvre, au lieu de travail et au portefeuille pour comprendre comment l’immobilier peut s’aligner au mieux sur les futures priorités de l’entreprise, » concluent ses auteurs. « Être une organisation tournée vers l’avenir nécessitera des investissements importants pour stimuler le potentiel de transformation de l’immobilier commercial afin d’obtenir de meilleurs résultats pour l’entreprise ».

« Les choix et critères du passé en matière de stratégie immobilière ont changé »

Qu’en est-il au Luxembourg ? Pour Emna Rekik (Country lead & Head of markets of JLL Luxembourg), les observations et conclusions de l’étude restent valables au Grand-Duché, et le resteront après 2025.

Emna Rekik, qui sont concrètement ces CRE ?

Il s’agit des responsables du portefeuille immobilier ou des opérations immobilières au sein d’une organisation : un directeur immobilier ou de stratégie immobilière. C’est donc une fonction stratégique globale basée au siège social de l’organisation, qui travaille localement avec les facility managers des entités du groupe.

Ces décideurs sont aussi nos clients. Quand la stratégie immobilière d’un grand groupe international concerne ses entités luxembourgeoises, le CRE y réfléchit en interne avec son équipe de facility managers et d’experts techniques, puis s’adresse à nous pour avoir la connaissance du marché local.

Quelle est l’importance de cette fonction aujourd’hui ?

Avant la pandémie, les grands groupes considéraient l’immobilier et la stratégie immobilière comme secondaires. Et il y a encore quelques années, ils laissaient le pouvoir de décision dans ce domaine aux entités locales et à leur directeur.

Les fonctions immobilières n’étant pas centralisées, ce dernier pouvait acheter, vendre, louer un immeuble sans que la direction du groupe n’ait aucune vue sur la stratégie immobilière locale, sur le budget alloué, sur le choix de la localisation du site…

Notre étude montre que les choix et critères du passé en matière de stratégie immobilière ont changé : l’immobilier est devenu un enjeu d’affaires et de performance important.

Une société qui choisit bien ses bureaux, peut en effet attirer les bons talents, réaliser de meilleures performances, développer une meilleure image de marque et un meilleur positionnement sur le marché…

Désormais, les organisations sont beaucoup plus attentives aux coûts engendrés par l’immobilier. Et ceux-ci sont même discutés au sein du comité de direction.

De même, toutes les fonctions décisionnelles (CEO, CFO, RH) sont impliquées dans la stratégie immobilière du groupe. Ainsi, les RH se rendent sur place pour visiter les bureaux. Ils ont leur mot à dire.

Il s’agit d’aligner la stratégie immobilière globale du groupe sur sa stratégie d’affaires et en réponse à ses défis RH, ESG, etc. L’objectif étant d’optimiser leur portefeuille immobilier.

Concrètement, de quoi s’agit-il ?

Depuis le Covid et le travail hybride, les groupes prennent moins de m2, font le choix stratégique de se défaire de certains sites et de regrouper leurs bureaux. Et ce, en privilégiant le confort et la qualité des bâtiments, la connectivité, la durabilité, etc., conformément à leur stratégie d’affaires.

Dans ce contexte, comment les CRE mettent ils en place les ambitions du groupe ?

Notre dernière enquête plus récente sur ce sujet  « The Future of Work Survey 2024 », démontre que les dirigeants de l’immobilier d’entreprise réalisent qu’ils ont des défis à surmonter.

Et leurs fonctions sont souvent perçues comme des centres de coûts, plutôt que comme des créateurs de valeur ; leurs équipes ne possèdent pas nécessairement les compétences et les capacités requises pour l’avenir, et ils réalisent qu’il y a une opportunité de transformer et développer de nouveaux modèles opérationnels et des partenariats plus stratégiques.

Leur objectif est donc de repositionner l’immobilier commercial comme un levier de valeur et de devenir de véritables influenceurs dans le domaine, plutôt que de simples exécutants.

Quid du CEO local en matière de stratégie immobilière ?

Pour ses décisions immobilières, le directeur régional devra aujourd’hui suivre la stratégie du groupe. Car même localement, un choix contraire aux ambitions globales de développement durable de l’organisation peut impacter sa réputation.

Aussi, pour se conformer aux attentes du groupe, la filiale recevra un budget avec le choix : soit, déménager pour un immeuble neuf ; ou bien rénover le bien occupé et réaliser les investissements nécessaires, conformément aux normes de qualité, de performance énergétique du groupe et à son image.

L’étude le montre d’ailleurs : « 62% des fonctions de l’immobilier d’entreprise anticipent une augmentation de leur budget d’ici 2025 ». Cette tendance se renforcera toutefois après 2025.

A quels postes ces budgets sont-ils alloués ?

Pour soutenir la résilience en milieu de travail et la stratégie de portefeuille, l’étude montre que les budgets des CRE viseront cinq grandes priorités : la conception et aménagement de l’espace de travail ; de nouveaux équipements ; la qualité de l’air ; l’attraction de nouveaux viviers de talents ; les espaces de repos et de récupération.

Et qu’en est-il au Grand-Duché ?

Les décisions ne sont plus locales. Les quelques CRE présents au Luxembourg travaillent au sein d’administrations ou d’entités gouvernementales qui ont leurs propres organes décisionnels.

Pour les grands groupes étrangers, la plupart sont donc basés hors du pays ; d’où l’importance de bien se faire accompagner.

Et s’ils connaissent les ambitions d’affaires et la stratégie immobilière du groupe, ils ne disposent pas de l’intelligence locale et du savoir-faire du terrain qui leur permettraient de déployer cette stratégie. Notre rôle est donc de les éduquer et de les accompagner sur l’aspect local du marché luxembourgeois.

Toujours selon nos études, la majorité des fonctions CRE de premier plan prévoient de s’appuyer davantage sur des partenaires externes, et d’outsourcer les activités notamment en matière d’analyse de données, de planification et de gestion de l’occupation ; de gestion du cycle de vie des actifs (ingénierie) ; de stratégie de portefeuille et de gestion des transactions ; ou encore de gestion des installations, des biens et des baux.


Allocation des budgets : cinq grandes priorités

Conception et aménagement de l’espace de travail : 46 % prévoient d’accélérer l’investissement dans des projets d’aménagement de l’espace de travail visant à améliorer l’engagement et le bien-être des employés.

Nouveaux équipements : 43 % prévoient de poursuivre les investissements dans des équipements de santé et de bien-être nouveaux ou améliorés.

Qualité de l’air : 42 % augmenteront les investissements pour améliorer la qualité de l’air intérieur.

Attraction de nouveaux viviers de talents : 39 % prévoient d’accélérer les investissements dans la réaffectation des biens immobiliers occupés vers de nouveaux emplacements, élargissant ainsi leur accès à de nouveaux viviers de talents.

Espaces de repos et de récupération : 35 % ont l’intention d’augmenter leurs investissements dans des espaces dédiés au repos et à la recharge des employés, tels que des espaces extérieurs et/ou des jardins sur les toits.

Source : « The Future of Work Survey 2022; Five critical challenges ahead for real estate »

Marc Auxenfants
Marc Auxenfants
Marc couvre les affaires et la gestion, la banque et la finance, les start-ups et l'innovation. Marc a précédemment travaillé comme reporter pour le Luxembourg Times, le Luxemburger Wort et Paperjam, et a écrit des contributions entre autres pour la BBC, The Guardian, InCyber et Silicon Luxembourg.

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