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Investissements durables : la fin du greenwashing

Grâce à des méthodes d'évaluation plus objectives basées sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) plutôt que sur les notations ESG, les investisseurs pénalisent les fonds pratiquant le greenwashing en se désengageant d'eux.

Dans le but de standardiser une définition de la notion de « durable », l’Union européenne a introduit un système de classification commun pour les activités économiques durables appelé la « taxonomie de l’UE », conformément aux objectifs climatiques et énergétiques des 27 pour 2030. Cette nouvelle réglementation démontre la nécessité de définitions et de mesures de durabilité plus alignées sur les objectifs de développement durable.

Les investisseurs des fonds communs de placement – en particulier ceux motivés par des mandats de fonds durables – incluent-ils des informations sur l’alignement et l’impact de la durabilité de leurs investissements ? Et intègrent-ils des informations au-delà de celles révélées par les notations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) disponibles au public ? En d’autres termes, le capital des investisseurs ayant des préférences pour la durabilité est-il orienté vers des entreprises véritablement durables ? Répondre à ces questions nous aidera à déterminer si le greenwashing est toujours présent dans l’industrie des fonds communs de placement.

ODD plutôt qu’ESG

Lors de l’organisation d’une conférence sur l’intermédiation financière durable, j’ai récemment découvert un article de ma collègue Denitsa Stefanova, également professeure au Département de Finance de l’Université du Luxembourg. Son travail est étroitement lié au rôle des intermédiaires financiers dans la promotion des activités économiques durables. Dans l’un de ses articles, elle utilise des mesures alternatives pour évaluer l’empreinte durable des portefeuilles de fonds communs de placement. Elle soutient que se fier uniquement aux notations ESG pour évaluer l’impact de durabilité d’une entreprise peut être problématique pour plusieurs raisons : les méthodologies employées par les agences de notation pour obtenir les scores ESG manquent de standardisation et de transparence, l’agrégation de multiples informations en un seul score est difficile, et la plupart des informations utilisées pour obtenir les scores ESG sont auto-déclarées par les entreprises évaluées.

« Le greenwashing n’est pas récompensé par les marchés, car les investisseurs institutionnels intègrent des informations sur l’alignement durable des fonds communs de placement au-delà de leurs notations ESG. »

Au lieu de se baser sur les notations ESG, l’article utilise une métrique de la durabilité des entreprises reflétée dans l’impact de leurs produits et services sur les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations unies. La métrique d’impact utilise des algorithmes de traitement du langage naturel pour déterminer l’impact d’un produit sur les ODD, en le puisant dans un vaste pool de millions d’articles de recherche académique. Cette approche fournit une évaluation objective de l’empreinte durable d’une entreprise à travers le portefeuille de ses produits et services, indépendamment de toute information auto-déclarée sur les politiques durables de l’entreprise.

Un greenwashing qui ne fait plus recette

En analysant les flux de capitaux des investisseurs de détail et institutionnels dans les fonds communs de placement, l’article de Denitsa documente une augmentation des allocations de capital des investisseurs vers les fonds commercialisés comme durables. Cependant, la segmentation du marché est amplifiée lorsque l’on considère les flux de capitaux des investisseurs à travers le prisme de la mesure d’impact des ODD. Les fonds ayant un mandat clair de durabilité voient des entrées de capitaux plus élevées associées à un meilleur alignement de leurs portefeuilles avec les ODD. En revanche, lorsque les fonds ne sont pas commercialisés comme durables, des scores d’alignement élevés avec les ODD sont associés à des sorties de capitaux des investisseurs.

De même, bien que les fonds ayant un mandat de durabilité aient généralement des rendements inférieurs à ceux des fonds non durables, une augmentation de l’alignement de leurs portefeuilles avec les ODD corrèle avec une amélioration de la performance.

Il est intéressant de noter que Denitsa constate que la correction des flux d’investisseurs dans les fonds durables est due à des sorties de capitaux des fonds « durables » avec de faibles scores d’alignement avec les ODD. Il semble donc que les investisseurs ne se laissent pas berner par le greenwashing. Les investisseurs peuvent évaluer avec précision la durabilité des portefeuilles de fonds négativement alignés avec les ODD malgré leur étiquette « durable », et ils se désengagent de ces fonds pratiquant le greenwashing.

Bien que les investisseurs semblent montrer une préférence pour la durabilité, leurs décisions d’investissement se concentrent principalement sur l’exclusion des fonds qui entravent l’avancement des ODD. Ainsi, le désinvestissement plutôt qu’une augmentation active des flux vers les fonds ayant des scores élevés en ODD domine la réallocation du capital motivée par la durabilité.

En résumé, le greenwashing n’est pas récompensé par les marchés, car les investisseurs institutionnels intègrent des informations sur l’alignement durable des fonds communs de placement au-delà de leurs notations ESG. L’article de Denitsa va même plus loin en montrant que le greenwashing est pénalisé, les investisseurs se désengageant des fonds faussement étiquetés comme durables.

Diane Pierret
Diane Pierrethttps://www.dianepierret.com/%20
Professeure Diane Pierret est professeure assistante au Département de Finance de l'Université du Luxembourg. Ses recherches dans le domaine de la banque empirique se concentrent sur les pratiques de tests de résistance réglementaires, les conséquences des interventions non conventionnelles des banques centrales, les liens entre les États et les banques, la rentabilité des banques et la politique monétaire, ainsi que l'interaction entre les régulations de solvabilité et de liquidité. Diane Pierret est également affiliée de recherche au Centre for Economic Policy Research (CEPR).

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