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La bataille de la mobilité bat son plein

La croissance démographique au Luxembourg, amplifiée par les travailleurs frontaliers, pousse le gouvernement à augmenter de 40% la capacité de transport d'ici 2035.

L’explosion démographique que connaît le Luxembourg, à l’intérieur mais aussi depuis l’extérieur de ses frontières avec le phénomène des travailleurs frontaliers, met les infrastructures de transport du pays sous pression, tant au niveau ferroviaire que routier. Le gouvernement, pour passer du rattrapage à l’anticipation, compte revoir à la hausse la capacité de transport de personnes de 40% d’ici 2035.

Ces dernières décennies, la croissance économique du Luxembourg a fait du pays un pôle d’attractivité incontestable au cœur de l’Europe. Mais ce succès a aussi son revers : le pays doit adapter tambour battant ses infrastructures de transport afin de permettre à la population grandissante de se déplacer d’un point à l’autre de son territoire – et même au-delà de ses frontières.

La problématique de la mobilité est une évidence au regard de la croissance de la population : si la barre des 400.000 habitants est franchie au début des années 1990, le pays compte désormais 672.000 habitants. Le phénomène s’étend d’ailleurs au-delà des frontières du pays : près de 80.000 travailleurs frontaliers étaient recensés en 2000, ils sont désormais près de 220.000 à franchir les frontières du pays chaque jour pour venir travailler au Grand-Duché, la moitié venant de France, l’autre moitié se partageant équitablement entre la Belgique et l’Allemagne.

Par conséquent, les différents moyens de transport sont, sans surprise, sous pression. Les trains, en premier lieu : le nombre d’usagers des CFL, les chemins de fer luxembourgeois, a ainsi augmenté en 20 ans de… 100% : de 14 millions d’utilisateurs par an en 2005, le trafic est monté à 28,7 millions d’utilisateurs annuels. Une hausse particulièrement marquée sur la ligne desservant, en France, les gares de Thionville, Metz ou Nancy. Celle-ci connaît d’ailleurs des problèmes sur près d’un quart de ses trains : près d’un train sur dix supprimé, à quoi s’ajoutent plus de 15% des trains connaissant des retards de plus de six minutes à l’arrivée.

Bien sûr, l’offre s’adapte progressivement. La capacité des places assises sera augmentée de 46% en 2025 par rapport à 2018, assurent les CFL. Une nouvelle ligne entre Luxembourg et Bettembourg, un tronçon ferroviaire essentiel puisqu’il mène en France et à la deuxième ville du pays, Esch-sur-Alzette, devrait être ouverte en 2028. Et la ligne Luxembourg-Bruxelles, qui dessert Arlon, devrait être modernisée d’ici 2029. Mais, en attendant, les frontaliers français doivent subir les chantiers sur la ligne – les trains directs entre Luxembourg et Thionville étaient ainsi supprimés pendant toute la période estivale -, et les frontaliers belges attendent toujours la modernisation de leur ligne, dont l’annonce avait été faite dès 2007, et dont l’issue est constamment reportée depuis.

« Le défi est grand dans un pays qui connaît habituellement le plus grand nombre de voitures par habitant de l’Union européenne. »

Nombreux sont les usagers qui se reportent in fine sur la voiture afin d’éviter retards et trains bondés aux heures de pointe. Mais les autoroutes et les axes secondaires sont eux aussi saturés. Les routes de campagne finissent elles aussi par être prises d’assaut, provoquant des nuisances pour les petits villages autour de la frontière. Certaines communes ont été jusqu’à prendre des mesures radicales : depuis début 2024, près de Frisange, il est désormais interdit d’emprunter la route communale qui traverse Haute-Rentgen puis Hagen le matin en semaine. Pour réduire les embouteillages persistants et alléger la pression sur les routes secondaires, une modernisation et un élargissement à 2×3 voies de l’autoroute A3 (qui mène au Sud et du pays puis en France) est prévu pour l’automne 2030.

De manière générale, après l’introduction de la gratuité des transports publics en mars 2020, une mesure symboliquement très forte, les grands axes de la stratégie gouvernementale pour la mobilité sont décrites dans le plan national de mobilité 2035 (PNM 2035), dont l’objectif central vise à augmenter la capacité de transport de personnes de 40% par rapport à 2017, dans le cadre d’une vision multimodale qui se veut globale et cohérente.

Les déplacements en voiture seront toujours présents, mais l’objectif est que leur augmentation reste raisonnable d’ici 2035 (+6% seulement), en comptant sur le covoiturage pour amener le taux d’occupation d’une voiture à 1,5 en moyenne. Le nombre de passagers dans les transports en commun devra quant à lui augmenter d’au moins 89%, grâce notamment à l’étoffement de l’offre ferroviaire, au développement du réseau de tramway (extension vers Hollerich et Kirchberg et création d’un tram rapide vers Esch-sur-Alzette) et à la priorisation des bus. Le recours au vélo est au cœur de la stratégie, puisqu’il devra être intégré de manière systématique dans tous les projets routiers. Et, dans les zones urbaines, les quartiers devront être apaisés afin de rendre la marche à pied plus attractive.

Mais le défi est grand dans un pays qui connaît habituellement le plus grand nombre de voitures par habitant de l’Union européenne (675 voitures pour 1.000 habitants en 2023, un taux seulement dépassé en Italie). Et si le gouvernement veut passer « d’une logique de rattrapage à une logique d’anticipation », peu de répit sera offert par une population dont le rythme de croissance reste très soutenu.


Cet article est paru dans la troisième édition du magazine Forbes Luxembourg. Vous souhaitez en recevoir un exemplaire? C’est par ici!

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