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La valeur des biens immobiliers pourrait chuter de 25 trillions de dollars d’ici à 2050

La nouvelle Directive sur la performance énergétique des bâtiments de l’Union européenne, adoptée par le Conseil européen du 14 Mars 2023 ne se contente pas de poser des défis réglementaires ; elle stimule l’innovation et pousse l’industrie vers des constructions plus intelligentes et plus propres qui s’alignent sur les objectifs climatiques de l’UE, notamment le plan ‘Fit for 55‘.

Imaginez un avenir où le marché immobilier mondial qui représente deux tiers de la richesse globale, est en équilibre précaire, menacé d’un effondrement sous le poids du changement climatique. À l’horizon 2050, les valeurs immobilières mondiales pourraient chuter de 9 %, ce qui se traduirait par une perte vertigineuse de 25 trillions de dollars. La stabilité des logements, pierre angulaire de notre économie financière, est confrontée à une menace sans précédent. Dans des régions comme la Belgique et le Luxembourg, les inondations dévastatrices de 2021 ont déjà donné un avant-goût des conséquences dramatiques d’un climat en mutation sur l’immobilier.

La crise imminente

Face à cette réalité climatique, les propriétés allant des côtes aux centres urbains affrontent un avenir incertain. Personne ne sera épargnés. Comme l’a mentionné Al Gore lors de son discours de la CoP28 à Dubaï, plus aucune région n’est épargnée.  Les résidences urbaines sont exposées à des risques similaires à ceux des propriétés en bord de mer, confrontées à des problèmes structurels comme des fissures et des inclinaisons, et à des primes d’assurance qui pourraient exploser, annonçant un futur où le coût des sinistres pourrait devenir insupportable. C’est la chronique d’une catastrophe annoncée, où chaque incident climatique risque de déclencher un effondrement en cascade du marché immobilier mondial. Les événements récents à Dubaï, où les températures extrêmes mettent à rude épreuve les infrastructures, ou les sècheresses en France, les feux au Canada, au Chili et en Californie signalent que personne n’est à l’abri. La reconnaissance de ces risques est cruciale pour rediriger les stratégies d’investissement immobilier.

« La gestion traditionnelle axée uniquement sur les performances financières actuelles cède la place à une vision à long terme intégrant les prévisions climatiques. »

L’éveil des consciences

Les signaux d’alarme retentissent partout. Une étude récente dans ‘Nature’ a révélé que les seuls risques d’inondation pourraient amputer la valeur des propriétés américaines de 137 milliards de dollars d’ici 2030. 2030, c’est demain. Ce phénomène n’est toutefois pas uniquement américain ; il est mondial et exige une action immédiate. Face à cette urgence, l’Agence Internationale de l’Énergie préconise de redoubler les investissements en prévention et en technologies propres pour l’immobilier, afin d’éviter une facture annuelle de 574 milliards de dollars (soit de 536 milliards d’euros) d’ici 2030.

Comme nous avons pu le vivre depuis 2021 en Belgique et au Luxembourg, mais aussi dans de nombreuses régions de France, le spectre de l’inondation plane sur nous et est un rappel cinglant que nul n’est à l’abri. Mais pas seulement, les sécheresses, les vents, les feux, les ouragans, les tornades, la montée des eaux, la liste des risques climatiques est longue. Il est important d’agir proactivement pour anticiper et atténuer les impacts du changement climatique sur l’immobilier.

Vers une stratégie immobilière durable

Conscient des défis à venir, le secteur immobilier est pro-actif et revoit sa stratégie. Les dirigeants du secteur immobilier reconnaissent qu’une révision de la stratégie d’investissement est impérative. Les experts en immobilier redoublent d’efforts pour concevoir et rénover les propriétés afin de les rendre résilientes face aux menaces climatiques grandissantes, avec un accent particulier sur l’efficacité énergétique pour garantir la durabilité et la conformité avec les nouvelles réglementations environnementales. Les solutions résilientes face aux défis climatiques deviennent une priorité. La gestion traditionnelle axée uniquement sur les performances financières actuelles cède la place à une vision à long terme intégrant les prévisions climatiques. Cela aura bien sur un impact sur le prix des biens et sur celui qui portera cette chute des valeurs, tout en prenant en compte le cout de la transformation. Si ces risques étaient pleinement pris en compte, le prix des maisons pourrait être bien inférieur aux normes actuelles, soulignant une distorsion significative entre valeur marchande et valeur réelle. Cette transition vers des bâtiments adaptés est désormais au cœur des priorités du secteur.

L’innovation comme moteur de changement

Dans cette optique, la nouvelle Directive sur la performance énergétique des bâtiments de l’Union européenne, adoptée par le Conseil européen du 14 Mars 2023, joue un rôle catalyseur. Exigeant que tous les nouveaux bâtiments de l’Union européenne soient à émissions nulles d’ici 2030, cette directive ne se contente pas de poser des défis réglementaires ; elle stimule l’innovation et pousse l’industrie vers des constructions plus intelligentes et plus propres qui s’alignent sur les objectifs climatiques de l’UE, notamment le plan ‘Fit for 55‘.

« La menace d’une érosion financière des valeurs immobilières est réelle. »

Réévaluation de la valeur immobilière

Le secteur immobilier cherche et doit s’adapter rapidement, témoignant d’une montée en puissance de l’écologisation des bâtiments existants et d’une planification minutieuse pour de nouvelles constructions résistantes aux extrêmes climatiques. Les gestionnaires d’actifs et les investisseurs sont appelés à intégrer des modèles financiers qui prennent en compte la prévision environnementale. Mais pas que. Il est peut-être temps de revoir plus largement la stratégie d’urbanisation de nos centres urbains. La perte de valeur est un risque réel et immédiat, particulièrement dans des zones à haut risque comme celles touchées par les récentes inondations. Les gestionnaires d’actifs et les investisseurs sont désormais appelés à réévaluer la notion même de valeur, en intégrant une prévision environnementale dans leurs modèles financiers traditionnels. Cette redéfinition est essentielle pour préserver la valeur à long terme des investissements immobiliers.

Se préparer à l’inéluctable

La menace d’une érosion financière des valeurs immobilières est réelle. Le secteur doit évoluer, transformer les bâtiments pour qu’ils puissent résister au changement climatique. C’est une nécessité, non pas simplement pour prévenir un désastre fiscal, mais pour saisir l’opportunité d’une croissance innovante et durable. En embrassant ces changements, l’industrie de l’immobilier peut renforcer ses fondations contre les tempêtes futures, assurant sa place comme pilier de la richesse mondiale pour les générations à venir.

Oriane Schoonbroodt
Oriane Schoonbroodthttps://www.label-r.com/
Oriane Schoonbroodt est partenaire de l'activité Stratégie ESG chez EY. Grâce à son leadership éclairé et à ses et sa vision stratégique de la direction, elle est un conseiller essentiel pour les clients des secteurs du capital-investissement et de l'immobilier, ainsi que pour les organismes gouvernementaux et les décideurs politiques. Avant de rejoindre EY, Oriane était Senior Director chez PwC Strategy& et Co-Founder and CEO of Label R, qui a créé un outil de due diligence et d'évaluation des risques ESG et éthiques pour les gestionnaires de fonds et leurs entreprises sous-jacentes. Oriane a également été diplomate et conseillère politique principale au Parlement européen et aux Nations Unies. Elle a cofondé la 8 Foundation, qui a développé des campagnes de communication pour soutenir les objectifs du Millénaire pour le développement (anciennement SDG). Oriane est également chargée de cours à l'Université du Luxembourg pour le nouveau Master en finance durable, ainsi qu'à HEC Liège pour le cours sur la modélisation des risques climatiques.

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