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Le contentieux fiscal en hausse au Luxembourg

Le contentieux fiscal au Luxembourg connaît une augmentation notable, reflétant la complexité croissante des lois fiscales et l'impact des réformes internationales, selon les experts de Baker McKenzie.

Le nombre de litiges fiscaux au Luxembourg a connu une augmentation notable par rapport aux années précédentes. Si l’on prend l’exemple des impôts indirects, 40 recours judiciaires ont été déposés contre l’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA (AED) en 2023, comme le présente le rapport 2023 du ministère des Finances. Cette tendance met en évidence la complexité croissante des questions liées à la TVA. En première instance, le taux de réussite de l’AED a été de 87 %, bien que 30 % de ces affaires aient fait l’objet d’un appel, et le taux de réussite de l’AED devant la Cour d’appel a été de 75 %. En outre, les recours devant la Cour de cassation ont augmenté.

Baker McKenzie Luxembourg a été reconnu comme le cabinet de litiges fiscaux luxembourgeois de l’année pour 2023 lors de la prestigieuse 18e cérémonie de remise des prix de l’International Tax Review (ITR) qui s’est tenue à Londres le 28 septembre. Cela met en lumière l’expertise du cabinet et le dévouement de ses équipes transversales spécialisées en fiscalité, en prix de transfert et en contentieux. Les autorités fiscales luxembourgeoises sont disposées à s’engager avec des associations professionnelles pour maintenir un dialogue ouvert avec des experts tels que Baker McKenzie. Par l’intermédiaire de ces associations, les contribuables peuvent faire part de leurs préoccupations et de leurs commentaires, et s’assurer que leur voix est entendue en ce qui concerne la nouvelle législation. Cette approche collaborative favorise un environnement fiscal réactif. « Le travail effectué par les associations professionnelles est inestimable, car il sert de pont entre les contribuables, les autorités fiscales et les professionnels de la fiscalité au Luxembourg », explique Amar Hamouche, Partner Tax chez Baker McKenzie Luxembourg.

« Nous avons assisté à un passage d’une approche plus coopérative avec les autorités fiscales à un environnement plus contentieux. »

Dans le contexte luxembourgeois, le contentieux fiscal est devenu une préoccupation majeure pour les entreprises et les praticiens du droit, Baker McKenzie soulignant que les cas de contentieux fiscal sont en augmentation, mettant l’accent sur la complexité et le volume croissants des affaires dans ce domaine. Amar Hamouche, Tax Principal chez Baker McKenzie, ainsi qu’Olivier Dal Farra, Tax Partner, et Antonio Alvarado Weffer, Tax Principal, ont fait la lumière sur les complexités du contentieux fiscal au Luxembourg. « Sur la base des rapports annuels publiés par l’administration fiscale luxembourgeoise, nous avons constaté au cours des dix dernières années une diminution d’environ 95 % du nombre d’accords préalables en matière de prix de transfert et d’accords fiscaux préalables déposés et une augmentation d’environ 57 % du nombre de réclamations déposées devant le directeur de l’administration fiscale luxembourgeoise », commente Antonio Alvarado Weffer.

L’augmentation du nombre de litiges fiscaux

L’augmentation du nombre de litiges fiscaux n’est pas propre au Luxembourg, mais reflète une tendance mondiale. Cette augmentation est due à la complexité croissante des lois fiscales et à l’introduction de nouvelles lois après la crise financière de 2008. Les initiatives de l’OCDE ont encore accru cette complexité, entraînant une augmentation des litiges et des défis, les praticiens et les autorités fiscales s’efforçant d’interpréter et d’appliquer ces lois complexes. « Nous avons assisté à un passage d’une approche plus coopérative avec les autorités fiscales à un environnement plus contentieux. Auparavant, les entreprises demandaient des autorisations fiscales à l’avance, ce qui leur évitait les surprises. Aujourd’hui, les évaluations se font davantage sur place, ce qui entraîne des divergences de critères et une augmentation des litiges », ajoute M. Hamouche.

Les prix de transfert ont toujours été un domaine difficile pour les autorités fiscales luxembourgeoises. Les autorités ont augmenté leurs ressources pour examiner et réviser les politiques de prix de transfert des groupes multinationaux opérant au Luxembourg. Cette surveillance accrue a entraîné une augmentation des litiges, notamment en ce qui concerne les taux d’intérêt et les instruments couramment utilisés par les entreprises.

« La mise en œuvre mondiale des actions BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) de l’OCDE par l’Union européenne et les pays concernés a ajouté des couches de complexité. Les entreprises n’ont pas eu suffisamment de temps pour s’adapter à ces nouvelles règles, ce qui a entraîné une période d’incertitude et, en fin de compte, une augmentation des litiges », poursuit M. Dal Farra.

La mise en œuvre rapide des règles BEPS, sans périodes suffisantes de protection des droits acquis, a obligé les entreprises à réviser rapidement leurs systèmes et leurs politiques. Cette précipitation a souvent conduit à des erreurs et à des malentendus, ce qui a alimenté les litiges.

« Au Luxembourg, la résolution des litiges fiscaux prend généralement entre 18 et 20 mois, ce qui est relativement rapide par rapport à d’autres juridictions […] »

La position du Luxembourg dans le contexte mondial

Le Luxembourg a dû s’adapter aux changements mondiaux, comme toute autre juridiction. Les changements législatifs, y compris ceux de l’UE, ont remodelé les systèmes fiscaux dans le monde entier. « L’environnement commercial du Luxembourg s’est toujours appuyé sur des lois fiscales stables et prévisibles. Les changements récents nuisent à cette stabilité, mais l’approche du pays est cohérente avec les tendances mondiales. Partout, les entreprises sont aux prises avec ces nouvelles complexités », précise M. Weffer.

Si l’afflux récent de nouvelles législations a introduit des incertitudes, le recours à la jurisprudence fournit un cadre d’interprétation. « Le respect des précédents au Luxembourg permet d’atténuer certaines incertitudes. Cependant, le volume et la technicité des récents changements législatifs signifient que même les praticiens expérimentés et les autorités fiscales naviguent en terrain inconnu », déclare Amar Hamouche.

Calendrier et perspectives des investisseurs

Les investisseurs sont très conscients de l’évolution de la législation et de la réglementation fiscales. Selon leur profil, certains d’entre eux ont désormais tendance à être plus prudents dans l’organisation de leurs opérations et la structuration de leurs entreprises, en particulier sur une base transfrontalière. Cette approche prudente s’explique par une prise de conscience accrue des litiges potentiels et de la nécessité d’une documentation solide.

L’une des principales préoccupations des entreprises confrontées à des litiges fiscaux est la durée de ces derniers. « Au Luxembourg, la résolution des litiges fiscaux prend généralement entre 18 et 20 mois, ce qui est relativement rapide par rapport à d’autres juridictions, où les affaires peuvent durer plus de 24 mois », précise M. Hamouche.

En ce qui concerne les perspectives des investisseurs, bien que les changements fiscaux soient importants, ils ne sont pas le seul facteur influençant les décisions d’investissement. « Les investisseurs sont conscients des changements et des complexités, mais ils reconnaissent également la stabilité de l’environnement des affaires au Luxembourg et la position proactive du pays dans l’adaptation aux normes mondiales », ajoute Olivier Dal Farra.

L’un des aspects les plus cruciaux de l’introduction d’un litige fiscal est le respect de délais stricts. Par exemple, les contribuables disposent d’un délai de trois mois pour déposer leurs réclamations devant le chef de l’administration des impôts directs. Le non-respect de ce délai complique la procédure et rend l’introduction d’une réclamation beaucoup plus difficile.  Une fois le délai dépassé, la difficulté de procéder s’accroît considérablement, ce qui souligne l’importance d’agir à temps.

Les éléments formels des litiges fiscaux requièrent une expertise professionnelle. Le langage et les procédures utilisés pour présenter un dossier aux autorités fiscales ou à un tribunal sont très techniques et juridiques. Les contribuables sous-estiment souvent la complexité de ces exigences et peuvent ne pas être conscients des pièges potentiels. C’est là que le rôle d’un conseiller avisé devient indispensable.  « Malheureusement, il arrive souvent que des affaires soient rejetées en raison d’erreurs de procédure et que le bien-fondé de l’affaire ne soit même pas discuté », explique M. Dal Farra.

« Les conseillers fiscaux doivent prendre en compte les implications internationales de leurs stratégies et s’assurer que la position du contribuable est défendable dans de multiples contextes juridiques […] »

Expertise et conformité

L’un des aspects essentiels du contentieux fiscal est le respect des éléments formels de la procédure administrative. Les contribuables et leurs conseillers doivent se conformer à des directives strictes lorsqu’ils introduisent une réclamation auprès de l’administration fiscale et, le cas échéant, auprès du tribunal. Le dépassement du délai de trois mois pour déposer une réclamation ou l’absence de mandat spécifique peut conduire à un rejet pur et simple, quel que soit le bien-fondé de la réclamation. « L’expertise professionnelle est inestimable pour s’acquitter de ces formalités. Les conseillers veillent à ce que les exigences procédurales soient respectées et à ce que les demandes soient bien documentées et trouvent un écho auprès des organes administratifs et judiciaires », poursuit Olivier Dal Farra.

Un conseiller expert veille non seulement au respect de toutes les formalités procédurales, mais il comprend également l’importance de preuves détaillées et bien documentées, qui peuvent influencer de manière significative l’issue de l’affaire. De nombreux litiges fiscaux sont rejetés pour des raisons formelles, qui peuvent être aussi importantes que le non-respect d’une date limite. « Un motif courant de rejet est l’absence de mandat spécifique. La personne qui signe et présente la réclamation doit avoir reçu un mandat clair du contribuable », explique M. Hamouche.

Les autorités fiscales examinent rigoureusement cet aspect et demanderont une preuve du mandat. Si le signataire n’est pas en mesure de fournir une preuve adéquate de son autorité sur la base du mandat spécifique, la réclamation peut être rejetée d’emblée, indépendamment de son bien-fondé.

Une documentation de qualité est essentielle à la réussite d’une réclamation pour litige fiscal. Les contribuables doivent tenir des registres complets de toutes les discussions, décisions et transactions pertinentes. Cela comprend les procès-verbaux des réunions du conseil d’administration, les documents relatifs aux transactions et les avis juridiques des experts. Ces documents doivent être détaillés et refléter la logique économique qui sous-tend les transactions. « Par exemple, une réunion du conseil d’administration portant sur une transaction importante ne doit pas être résumée en quelques lignes. Il doit au contraire faire état des délibérations, des prévisions et des analyses économiques approfondies qui ont précédé la décision. Ce niveau de détail est crucial pour démontrer la légitimité de la position du contribuable », déclare Antonio Alvarado Weffer.

Dans des juridictions comme le Luxembourg, un nombre important de litiges fiscaux portent sur des transactions transfrontalières. Cela ajoute un degré de complexité supplémentaire, car les décisions prises par les autorités locales peuvent avoir des répercussions dans d’autres juridictions. « Les conseillers fiscaux doivent prendre en compte les implications internationales de leurs stratégies et s’assurer que la position du contribuable est défendable dans de multiples contextes juridiques, ce que nous faisons chez Baker McKenzie », rapporte M. Weffer.

Le contentieux fiscal

Dans le domaine de l’impôt sur le revenu des sociétés et de l’impôt sur la fortune, la procédure de contentieux fiscal au Luxembourg commence par la réception par le contribuable d’un avis d’imposition. Si le contribuable n’est pas d’accord avec l’avis d’imposition, il dispose d’un délai de trois mois pour introduire une réclamation auprès du chef de l’administration des contributions directes. Cette première étape est purement administrative. Le contribuable peut ensuite saisir le tribunal administratif dans un délai de trois mois après le refus du chef des services fiscaux ou dans un délai de six mois à compter de la réclamation initiale en l’absence de réponse du chef des services fiscaux.

« Le tribunal administratif, qui traite ces affaires, est habilité non seulement à statuer sur le bien-fondé de l’imposition, mais aussi à réformer la décision. Cela signifie que le tribunal peut réexaminer le litige dans son ensemble et modifier l’avis d’imposition sur la base d’une évaluation correcte des faits et d’une application correcte de la loi, ce qui permet de résoudre le litige de manière globale », ajoute Antonio Alvarado Weffer.

Préparer l’avenir

La procédure de contentieux fiscal au Luxembourg, bien qu’exigeante en termes de formalités et de délais, reste relativement efficace par rapport à d’autres juridictions. Les investisseurs s’adaptent à l’évolution de l’écosystème en étant plus prudents et plus méticuleux dans leur documentation et leurs opérations. L’approche collaborative entre les autorités fiscales et les associations professionnelles renforce encore l’adaptabilité et la réactivité de l’environnement fiscal.

Comme les lois fiscales et les interprétations continuent d’évoluer, la préparation et la précision restent essentielles. En comprenant et en respectant les exigences procédurales et en s’appuyant sur les conseils d’experts, les contribuables peuvent naviguer plus efficacement dans les complexités du contentieux fiscal, en s’assurant que leurs positions sont défendables et résilientes.

Alors que le Luxembourg continue de s’adapter à un environnement fiscal en évolution rapide, les entreprises et les praticiens doivent faire face à des complexités et des litiges accrus. Les experts de Baker McKenzie soulignent l’importance de comprendre et de s’adapter à ces changements, tout en tirant parti de la stabilité offerte par l’environnement législatif luxembourgeois et par le respect de la jurisprudence au Luxembourg, avec l’aide d’experts indispensables. « Un certain nombre de mesures ont été prises récemment pour offrir une justice plus rapide et plus efficace, comme la création d’une chambre spécialisée au tribunal administratif en septembre 2023 et l’adoption d’un programme pluriannuel de recrutement dans la magistrature à la mi-juillet 2024. Nous pouvons nous en réjouir », a conclut M. Weffer.

Dans le domaine judiciaire, le Luxembourg s’engage à faire respecter les droits des contribuables en fournissant des cadres juridiques solides pour la résolution des litiges. Cela implique de veiller à ce que les contribuables aient accès à des audiences équitables, à la possibilité de contester les décisions et à la protection de leurs droits légaux tout au long de la procédure judiciaire.

Malgré les défis, nous pouvons être confiants dans la capacité du Luxembourg à rester une juridiction attrayante pour les entreprises mondiales et à maintenir un système fiscal respectueux des droits des contribuables.

Hassan M. Nada
Hassan M. Nada
Hassan est profondément engagé dans l'exploration des intersections de la santé, de la technologie, de l'entrepreneuriat et de la durabilité. Ayant vécu dans sept pays sur quatre continents, il apporte une perspective globale à son travail, élaborant des récits captivants qui célèbrent la diversité humaine et l'innovation. Les écrits d'Hassan couvrent un large éventail de sujets, allant de l'exploration des complexités des technologies pionnières au dévoilement des récits des startups émergentes, mettant en évidence sa profonde fascination pour l'environnement économique en constante évolution.

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