La démocratie américaine a parlé. Au bout d’une campagne marquée par les cabrioles et les revirements, salie par les outrances, les mensonges – même les plus grossiers – et le rabaissement de l’institution judiciaire, Donald Trump a émergé face à une Kamala Harris qui n’aura pas réussi le pari osé de remplacer un Joe Biden vacillant et de mener les démocrates vers la victoire.
Après avoir été le 45e, Donald Trump sera le 47e président des Etats-Unis. Les rendra-t-il de nouveau « grands » comme il l’a clamé ?
Si l’économie américaine a connu des soubresauts et voit ses poursuivants, Chine en tête, rattraper leur retard à grands pas, elle demeure la première puissance mondiale avec 27 billions de dollars de produit intérieur brut en 2023, soit un quart du PIB planétaire. Le terme « rendre » relève donc plus de la rhétorique électorale que de la réalité. La crise du Covid a néanmoins coûté aux Américains. Aussi, beaucoup d’électeurs ont vraisemblablement voté avec leur portefeuille ce mardi considérant que Donald Trump était plus l’homme de la situation que sa concurrente. A raison ? Le bilan économique du 45e président est positif : amélioration du taux d’emploi, croissance flirtant avec les 3%, impôts plutôt baissiers… Seules les finances publiques sont un point noir dans ce tableau économique avec une dette et un déficit qui ont plongé (avant la crise sanitaire de 2020). Ce souvenir d’indicateurs économiques plutôt verts a d’ailleurs conduit les marchés boursiers américains à saluer l’élection du républicain.
Pour couronner cette victoire individuelle, le parti républicain s’offre également une majorité au Sénat et est en bonne voie pour rafler le Congrès. Soit un raz de marée rouge déferlant sur l’Amérique.
Ce triomphe plonge presque paradoxalement le monde dans un océan de perplexité. Les boniments, les excès, les insultes du candidat Trump présagent-ils la future présidence ? Les promesses telles que le règlement de l’agression russe contre l’Ukraine en 24 heures ou la mise au pas des mauvais payeurs de l’Alliance atlantique, annoncent-elles une ère de désolidarisation avec les partenaires occidentaux, voire l’établissement d’un nouvel ordre mondial fondé sur un bilatéralisme tout en musculation ? Des craintes sur la scène internationale qui se doublent d’une interrogation domestique : après une campagne axée sur la polarisation, Donald Trump sera-t-il capable d’œuvrer au rassemblement des Américains autour d’un projet « commun » ? Domptera-t-il surtout ces velléités de toute puissance qui ont poussé des proches collaborateurs ou des hauts dirigeants de l’administration étasunienne à évoquer les dérives fascistes du candidat Trump ? Car le désormais président élu n’a pas caché sa volonté de briser tout ce qui se mettrait en travers de son chemin. Et si, en 2016, la Maison-Blanche accueillait un néophyte qu’il était possible d’orienter, sinon de corriger, huit ans plus tard, c’est un politicien aguerri qui fait son retour à Washington.
Plus de la moitié des 244 millions d’électeurs américains ont choisi cet homme-là, condamné voici quelques mois par la Justice de son pays, ce tenant d’un pragmatisme radical empreint de conservatisme religieux. Comme nombre d’Européens optent ces dernières années pour des partis qui offrent des solutions simples à des problèmes compliqués… La responsabilité de ces suffrages réactionnaires revient à ceux qui ont mené ces dernières décennies les affaires des nations démocratiques, à leur manque de vision, à leur impuissance, à leur indigence, leur asservissement au pouvoir et leur défaut de courage. Ils sont les premiers comptables de cette déliquescence. Et qu’ils le veuillent ou non, seront, eux ou leurs héritiers spirituels, les premiers garants d’un sursaut.