Le Luxembourg a transposé en droit interne la directive « Pilier 2 », qui vise à garantir que certaines multinationales paient un impôt minimal sur leurs profits mondiaux. D’autres pays tiers ont aussi adopté ces règles, qui s’inspirent des règles globales anti-érosion de la base d’imposition de l’OCDE visant à lutter contre la planification fiscale agressive. Les règles Pilier 2 sont applicables au Luxembourg a compter des exercices comptables ouverts à partir du 31 décembre 2023.
Pilier 2 vise les entités qui appartiennent à un groupe d’entreprises dont l’entité mère ultime, qui établit les comptes consolidés du groupe, réalise un chiffre d’affaires annuel d’au moins 750 millions EUR pendant une certaine période. Si ces conditions sont remplies, et sauf si une exemption s’applique, Pilier 2 entraîne en principe un impôt complémentaire chaque fois que le taux d’imposition effectif dans un pays dans lequel les profits sont réalisés est inférieur à 15%. En outre, les entités du groupe sont soumises également à des obligations d’enregistrement et de déclarations sous peine de pénalités pouvant aller jusqu’à 250.000 EUR (pour le Luxembourg).
Une mesure de simplification temporaire permet toutefois d’éviter l’application de cet impôt complémentaire s’il est possible notamment de démontrer que le taux d’imposition effectif sur base de la déclaration pays-par-pays est égal ou supérieure à 15%. Pilier 2 prévoit aussi un certain nombre d’exemptions. Une entité publique, une organisation internationale, une organisation à but non-lucratif, un fonds de pension, un fonds d’investissement (à condition de ne pas être consolidé par un investisseur) ou un véhicule d’investissement immobilier ne sont pas soumis à Pilier 2. Cette exemption s’applique également sous certaines conditions aux entités qui sont détenues presque entièrement par ces entités exemptées.
« Le degré de précisions des informations demandées dépend principalement du degré de familiarité des investisseurs avec Pilier 2. »
L’application des règles Pilier 2 suppose donc l’existence d’un groupe avec une entité mère qui prépare des comptes consolidés. Ce n’est que si une entité luxembourgeoise est (ou aurait dû l’être) à la tête d’une telle consolidation ou si elle fait (ou aurait dû faire) partie d’une telle consolidation qu’elle peut être considérée comme une entité constitutive sous Pilier 2.
On comprend facilement qu’il faut disposer d’un certain nombre d’informations pour évaluer si les règles Pilier 2 s’appliquent à un groupe donné et pour déterminer à quel niveau l’impôt complémentaire serait dû. Il convient dès lors de vérifier si les conditions ci-dessus sont remplies et, le cas échéant, de vérifier le taux effectif par juridiction au regard des règles de calcul de Pilier 2. Bien que les sociétés luxembourgeoises soient en principe soumises à un taux d’imposition supérieure à 15%, il n’en reste pas moins que leur imposition effective puisse être inférieure à 15% à cause d’une divergence dans la détermination de la base imposable sous Pilier 2. A titre d’exemple, la plus-value réalisée par une société luxembourgeoise sur sa participation dans une filiale d’une valeur d’acquisition d’au moins 6 millions d’EUR (mais représentant une participation inférieure à 10%) peut être exonérée d’impôt sous le régime mère-fille et imposable sous Pilier 2.
Pour les fonds d’investissement, la priorité est de s’assurer qu’ils ne sont pas consolidés par un investisseur. Cette situation, même si exceptionnelle en principe, peut se révéler en présence d’une entité détenue par un seul investisseur ou détenue majoritairement par différentes sociétés d’un même groupe. On peut observer que le contrat de souscription joue un rôle important dans ce contexte en ce qu’il permet de demander des informations plus ou moins détaillées sous forme d’un questionnaire de la part des investisseurs afin de pouvoir analyser l’application de Pilier 2. Le degré de précisions des informations demandées dépend principalement du degré de familiarité des investisseurs avec Pilier 2. Dans une optique de ne pas ralentir une levée de fonds, et face à des investisseurs peu familiers avec ces nouvelles règles, on peut observer que des représentations d’un point de vue consolidation peuvent s’avérer suffisantes dans un premier temps.
Une chronique rédigée par Alexandra Clouté et Adnand Sulejmani, respectivement Partner et Senior Associate au sein du département fiscal d’Ashurst Luxembourg.