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Le Luxembourg, nouvel eldorado pour les ETF actifs?

Le Luxembourg mise sur les ETF actifs en croissance pour renforcer son attractivité financière grâce à l’exemption de taxe.

Le Luxembourg se positionne pour capitaliser sur la dernière tendance dans l’industrie des fonds d’investissement. Ces nouveaux ETF, mariant la flexibilité d’une gestion active à des coûts compétitifs, séduisent de plus en plus d’investisseurs, notamment institutionnels. Avec des encours en pleine expansion et une dynamique encore timide mais prometteuse en Europe, le Grand-Duché compte sur la suppression de la taxe d’abonnement sur ces produits, pour attirer les gestionnaires d’actifs et renforcer son statut de hub financier de premier plan.

Le Luxembourg entend saisir l’opportunité offerte par la dernière évolution majeure de l’industrie des fonds : l’essor des ETF (Exchange Traded Funds) actifs. Ces produits cotés en Bourse diffèrent des ETF traditionnels très prisés des investisseurs pour leur liquidité et leurs faibles commissions. Ces ETF passifs sont conçus pour répliquer la composition d’indices comme l’Eurostoxx50 ou le MSCI World.

Avec les ETF dits actifs ou gérés activement, les souscripteurs profitent, en quelque sorte, du beurre et de l’argent du beurre. Ils bénéficient de commissions toujours faibles, mais aussi de l’intervention d’un gérant à même d’ajuster son portefeuille en fonction de ses convictions et de ses anticipations.

Potentiel de surperformance

« Un gérant peut prendre des décisions d’investissement au jour le jour et ainsi offrir un potentiel de surperformance par rapport à un ETF classique », a expliqué Alfred Le Leon, responsable de la distribution des ETF pour la France et le Benelux chez JP Morgan Asset Management, lors d’une conférence Alfi (Association luxembourgeoise des fonds d’investissement).

Le segment est en pleine croissance, comme l’indique Morningstar : « Les fonds négociés en Bourse (ETF) étaient autrefois synonymes d’investissement passif. Début 2019, les ETF gérés activement ne représentaient qu’un peu plus de 2 % du marché américain des ETF. Depuis, la croissance du marché des ETF actifs dépasse les 20 % par an, ce qui a porté leur part de marché à 8,5 % », indique la société d’analyse. Soit un total d’environ 1000 milliards de dollars sur 12.000 milliards de stocks d’ETF.

« Parallèlement, les fonds communs de placement ordinaires ont enregistré des sorties de capitaux significatives », poursuit Morningstar.

« Les ETF actifs ont représenté 25 % des flux dans les ETF en 2023 et 2024. D’ici à 2030, ils pourraient représenter 4000 milliards de dollars. 82 % des acheteurs d’ETF déclarent déjà détenir des ETF actifs. Et 91 % veulent accroître leurs investissements », complète Alfred Le Leon.

« Nous voyons beaucoup d’opportunités sur ce segment. Il y a vraiment une ruée vers ces produits […] »

Potentiel intact

En Europe, le potentiel reste intact. « Malgré leur croissance, les ETF actifs ne représentent encore qu’un segment modeste, avec environ 2 % des actifs totaux des ETF en Europe », indique Morningstar.

« Mais le marché européen des ETF actifs devrait connaître une croissance accélérée à mesure que des gestionnaires d’actifs de premier plan se lancent dans ce secteur.  De nombreux acteurs ont fait des annonces dans ce sens comme Robeco, iShares de BlackRock, Eurizon Capital, ARK Invest et d’autres, qui lancent ou prévoient d’introduire des ETF actifs en Europe ».

Janus Henderson réalise actuellement une tournée européenne pour promouvoir ce nouveau type de fonds. « Après le lancement de deux ETF actifs, l’un investi en actions japonaises, l’autre en actions européennes, nous souhaitons proposer notre gamme d’ETF actifs obligataires qui rencontre déjà un grand succès aux Etats-Unis, avec un encours de près de 15 milliards de dollars », annonce Richard Brown, Client Portfolio Manager sur les actions européennes chez Janus Henderson.

La tendance n’a pas échappé aux autorités luxembourgeoises, ni à Tom Theobald, le CEO de Luxembourg for Finance, organisme de promotion de la place financière : « Nous voyons beaucoup d’opportunités sur ce segment. Il y a vraiment une ruée vers ces produits sur le marché américain. Ce sont les fonds qui enregistrent le plus fort taux de croissance actuellement, tant aux Etats-Unis qu’au Canada ».

Une carte à jouer

« Si la tendance qu’on observe aux États-Unis se propage en Europe, même de manière marginale, le Luxembourg a une vraie carte à jouer. Nous sommes déjà un hub important pour les fonds activement gérés de manière générale. Nous avons une part de marché beaucoup plus importante que l’Irlande, et beaucoup de fonds sont déjà domiciliés au Luxembourg ».

L’Irlande conserve en revanche une très grande avance sur les ETF classiques, grâce à la présence d’acteurs internationaux comme BlackRock.

Pour favoriser son industrie des fonds sur ce nouveau segment, le gouvernement luxembourgeois a décidé l’été dernier d’exempter les ETF actifs de la taxe d’abonnement. « Lorsque la gestion était active, même à hauteur de seulement 10 % du portefeuille, le fonds tombait automatiquement dans le champ d’application de la taxe d’abonnement. Les fonds ETF activement gérés en sont désormais exemptés. Le but est d’accompagner le développement de ce marché ».

Les concepteurs de ces produits visent en particulier la clientèle institutionnelle. En effet, le faible niveau de frais les rend difficilement compatibles avec le mode de distribution des conseillers patrimoniaux, qui se rémunèrent le plus souvent sous forme de rétro-commissions.

Avec les ETF actifs, le Luxembourg dispose d’un nouveau relai de croissance potentiel pour son industrie des fonds, dont les encours ont repris leur pente ascendante depuis un an, en particulier sous l’impulsion du private equity et des actifs non cotés. Les actifs nets atteignent désormais 5700 milliards d’euros, après un point bas à environ 5000 milliards d’euros fin 2022.

Nicolas Raulot
Nicolas Raulothttps://finascope.fr/
Nicolas Raulot est journaliste et fondateur du média financier Finascope.fr. Il compte 20 ans d’expérience de la presse. Ses articles ont été publiés dans des médias français (La Tribune, L’Agefi), belge (L’Echo), luxembourgeois (Paperjam) et suisse (Le Temps). Son parcours journalistique a commencé en France en 2000 à l’Agefi avant d’être poursuivi à La Tribune jusqu’en 2008. Il a ensuite exercé son métier au Luxembourg où il est devenu rédacteur en chef de Paperjam.lu. Nicolas Raulot a aussi travaillé dans le secteur financier comme courtier sur le marché monétaire et comme responsable éditorial et relations presse. Il est diplômé de l’Institut Supérieur de Gestion (ISG), du Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ) et de l’Université de Luxembourg (Master in Wealth Management). Nicolas Raulot est l’auteur de On a vendu la Bourse (Editions Economica, 2007).

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