Inscription Newsletter

MeluXina, le superordinateur dédié aux entreprises

MeluXina, superordinateur luxembourgeois de 18 petaflops, ouvre aux entreprises un accès sécurisé à la simulation numérique et à l’intelligence artificielle.

Le superordinateur luxembourgeois MeluXina, avec sa puissance de calcul de 18 petaflops, fait partie de la petite dizaine de supercalculateurs européens de classe mondiale. Son positionnement, unique, permet aux entreprises d’y avoir accès.

« Avant MeluXina, une société commerciale ne pouvait pas avoir accès à un supercalculateur », rappelle Arnaud Lambert, le CEO de LuxProvide, l’entité qui exploite le superordinateur luxembourgeois. « MeluXina, c’était la volonté du Luxembourg, en voyant la montée en puissance du digital, de donner cet accès – et un avantage concurrentiel – à des entreprises. »

Installé au sein du centre de données de LuxConnect à Bissen et inauguré en 2021, le superordinateur MeluXina possède une puissance de calcul de 18 pétaflops, soit 18 millions de milliards (18.000.000.000.000.000) d’opérations par seconde – l’équivalent de 18.000 MacBook Pro dernière génération. De quoi traiter de très gros volumes de données et effectuer des calculs complexes à grande vitesse dans des domaines tels que la modélisation, la simulation ou l’intelligence artificielle.

A l’origine d’un tel projet, la prise de conscience sur le continent européen de la montée en puissance des voisins américains et asiatiques dans le domaine des calculateurs, ainsi que des investissements colossaux nécessaires pour se mettre à niveau. « Chaque pays n’allait pas y arriver seul, il fallait un effort européen », se rappelle Arnaud Lambert. « Les différents États membres ont mis 8 milliards d’euros sur la table avec l’idée d’investir dans une série de supercalculateurs européens. » Sur le modèle du co-investissement – 8 milliards en commun, à quoi s’ajoutent des investissements nationaux et privés -, l’European High-Performance Computing Joint Undertaking (EuroHPC JU), dont le siège est au Luxembourg, voit le jour en 2018 avec l’ambition de « développer un écosystème de supercalculateurs de classe mondiale en Europe ».

« MeluXina, c’est un vaisseau spatial digital. »

89e supercalculateur le plus puissant au monde

« L’EuroHPC JU avait pour mandat d’investir dans ces supercalculateurs et de faire ce qu’on appelle des ‘calls européens’ en appelant les pays intéressés à se positionner », explique Arnaud Lambert. Le Luxembourg réagit dès 2019. « C’était un élément important pour la partie recherche et innovation, qui a besoin d’une puissance de calcul tout à fait différente de ce qu’on trouve dans le cloud », commente le CEO de LuxProvide. En matière de calculs haute performance, il s’agit en effet de distinguer cloud – plus accessible et modulable – et supercalculateur – mieux sécurisé et plus performant, mais pour un coût plus élevé. « Quand on veut voyager vite et le faire sur un maillage existant, on le fait sur du cloud : c’est comme prendre l’avion au lieu de la voiture », compare Arnaud Lambert. « Mais une fois qu’on veut aller sur la Lune ou sur Mars, on a besoin d’un vaisseau spatial. MeluXina, c’est un vaisseau spatial digital. »

Bien sûr, à l’échelle du Luxembourg, les moyens alloués – le budget de MeluXina s’est élevé à 30,4 millions d’euros – ne peuvent concurrencer ceux de pays européens plus imposants. MeluXina est donc loin d’être la machine la plus puissante sur le marché. Rien qu’en Europe, ses 18 petaflops ne peuvent rivaliser avec les 295 petaflops de Marenostrum 5, situé à Barcelone, les 315 petaflops de Leonardo, localisé à Bologne, ou les 539 petaflops de Lumi, installé à Kajaami, en Finlande (ou encore du futur superordinateur allemand Jupiter, qui devrait atteindre, une fois actif, l’exaflop, soit 1.000 petaflops). Mais le superordinateur luxembourgeois est tout de même à la 89e place du classement de juin 2024 des 500 superordinateurs les plus puissants dans le monde (actuellement dominé par Frontier, un superordinateur américain dont la puissance dépasse l’exaflop).

La sécurité, atout majeur de MeluXina

Le Luxembourg compense néanmoins cette relative faiblesse en termes de puissance par un positionnement unique. MeluXina s’est ainsi dès l’origine orienté vers l’accès aux entreprises, qu’elles soient du Luxembourg, d’Europe ou d’ailleurs. « Pour les sept autres superordinateurs actifs en Europe, la partie commerciale est minime, il s’agit principalement de recherche », observe Arnaud Lambert.

Pour cela, le centre de données est certifié TIER IV, et la société qui l’opère, LuxProvide, en ISO 27001, garantissant un très haut niveau de sécurité pour les utilisateurs. « C’est le seul centre de données qui est dans un TIER IV, ce qui n’est pas nécessaire pour la recherche », explique Arnaud Lambert. De quoi garantir aux utilisateurs privés le respect de la confidentialité de leurs données. « Les HPC européens sont pour certains dans une ancienne usine désaffectée au milieu d’une forêt en Finlande, pour d’autres dans une chapelle à Barcelone. Des endroits qui s’y prêtent très bien, c’est splendide – mais seulement pour la recherche. Pour l’industrie, c’est impensable. »

De l’industrie aux services

Si une nouvelle clientèle issue du secteur des services, comme la banque ou les assurances et même la santé, se montre désormais intéressée par la puissance de calculs et la garantie de protection des données de MeluXina, les clients historiques viennent de l’industrie. De fait, les superordinateurs, qui peuvent traiter de très gros volumes de données, sont requis en particulier pour la simulation numérique, qui réclame énormément de puissance du fait du nombre colossal de paramètres à prendre en compte. Avec à la clé la possibilité de résoudre des défis scientifiques dans des domaines tels que la climatologie, l’ingénierie, l’aéronautique, la conception automobile, la production d’énergie, la médecine ou encore l’analyse financière ou l’espace.

La société ispace, dont le siège européen est à Luxembourg et qui développe des rovers lunaires, a ainsi fait partie des tout premiers clients de MeluXina. Son objectif : élaborer de très précises cartes des ombres lunaires en temps réel – indispensables pour prévoir les déplacements des rovers lunaires qui dépendent de l’énergie solaire. « Une simulation leur prenait 100 jours, alors qu’ils étaient déjà sur quelque chose de puissant : vous faites donc trois simulations par an. Ils sont passés à quasiment 20 jours en tournant sur MeluXina », remarque Arnaud Lambert.

L’opérateur de satellites luxembourgeois SES utilise de son côté MeluXina pour optimiser les performances de ses satellites, en testant des centaines de scénarios multi-orbites en temps réel. Autre exemple : l’entreprise RSS-Hydro est capable grâce à MeluXina d’optimiser des simulations à très haute résolution afin de fournir des cartes scientifiques des risques d’inondation à partir de données satellitaires.

Des programmes de financement avantageux pour start-up et PME

Au niveau des tarifs, trois segments existent selon la taille de l’entreprise : le programme « Initiate » permet à une start-up de démarrer gratuitement pendant une période allant jusqu’à six mois, incluant un crédit spécifique d’utilisation et d’accompagnement. Dans un second temps existe la possibilité de bénéficier d’un autre programme intitulé « Cashback 80% » qui, si le dossier est accepté par le gouvernement luxembourgeois, permet d’être remboursé à hauteur de 80% des frais liés à LuxProvide. Après quoi, un contrat commercial classique est nécessaire. Les PME, exclues du programme « Initiate », peuvent néanmoins elles aussi déposer un dossier pour le programme « Cashback 80% ». Quant aux grandes entreprises, elles doivent de leur côté passer directement par un contrat commercial classique. Budget moyen : environ 10.000 euros par mois, variable selon la fréquence d’utilisation.

Actuellement, 650 projets tournent sur la machine, ce qui laisse encore de la marge pour accueillir de nouveaux utilisateurs. 35% des projets sont liés à EuroHCP (une partie de l’utilisation de la machine étant réservée aux projets à l’échelle européenne), 35% à la recherche nationale et un accord spécifique réserve 15 à 20% au bénéfice de la recherche irlandaise. Reste 10% à 15% pour les clients privés. « Cette partie-là croît exponentiellement », assure Arnaud Lambert. « Quand on a démarré LuxProvide et MeluXina, cela a mis un peu de temps avant de se mettre en route. Maintenant, le marché est devenu plus mûr. » Sans compter l’arrivée de l’IA, qui suscite une recrudescence d’intérêt pour les capacités de MeluXina.

Vers MeluXina AI et MeluXina-Q

LuxProvide compte d’ailleurs bien tirer profit de cette fièvre autour de l’IA. Si l’entité luxembourgeoise s’est déjà fortement positionnée sur l’IA, tant en termes d’hardware que de compétences, elle compte encore renforcer cet aspect. « Avec la montée en puissance de l’IA, nous allons investir dans une partie complémentaire optimisée pour l’IA, qui s’appellera MeluXina AI », prévient Arnaud Lambert. 

« Nous avons déjà trois simulateurs quantiques qui tournent sur MeluXina. »

Un autre élément important d’évolution a été annoncé récemment : MeluXina-Q. « Nous avons déjà trois simulateurs quantiques qui tournent sur MeluXina et de l’expérience quantique en tant qu’entreprise LuxProvide pour accompagner les clients ou les chercheurs. Le module quantique sera installé fin 2025 et actif début 2026. Et le module AI est de même attendu en 2026 », précise Arnaud Lambert.

IA et quantique seront donc les deux charnières de l’évolution technologique de MeluXina pour les années à venir. « Nous faisons évoluer MeluXina de façon permanente, avec toujours ce même aspect de sécurité et de haute disponibilité », assure Arnaud Lambert. Le meilleur moyen d’attirer de nouveaux clients vers le superordinateur luxembourgeois.

A la une