Ces derniers mois, les marchés obligataires se sont focalisés sur la baisse de l’inflation et l’affaiblissement des perspectives de croissance. De notre point de vue, la politique monétaire restrictive de la BCE, dont le taux d’intérêt directeur est de 4,5 %, a déjà impacté l’économie réelle et la BCE a conscience que l’activité économique restera peu soutenue dans les trimestres à venir. C’est pourquoi les marchés tablent actuellement sur plusieurs baisses de taux d’ici à la fin de l’année.
Cette prévision ne semble pas démesurée, en particulier si le ralentissement économique s’avère plus prononcé qu’anticipé. Dans ce contexte, les valorisations obligataires restent attractives et devraient fournir un bon potentiel de progression à moyen terme. Les obligations devraient donc, encore cette année, jouer un rôle important dans la construction de portefeuilles diversifiés.
Les obligations d’entreprise offrent un profil risque/rendement attractif
En 2024, les obligations d’entreprise présentent au global un profil risque/rendement attractif, tant dans le segment investment grade que dans le segment high yield. Mais la sélection de titres doit surtout prendre en compte la solidité du crédit des entreprises, en tenant compte aussi de certaines divergences entre les secteurs. Par exemple, le secteur immobilier restant pour l’instant en crise, les bénéfices potentiels ne contrebalancent pas les risques.
Nous pensons ainsi que la hausse des marchés obligataires devrait se poursuivre en 2024. Plus précisément, selon nos analyses, obtenir des rendements de 4 à 6 % pour les obligations d’entreprise nous semble réaliste, quel que soit le scénario macroéconomique et grâce à la marge que donne le niveau actuel des taux.
Sur l’année 2023, les rendements des obligations investment grade ont été de 8 %, à la suite du rétrécissement des spreads et de la baisse des rendements de base. Le marché high yield européen (Indice HEAE ICE BofA Euro Non-Financial Fixed & Floating Rate High Yield Constrained) a aussi enregistré de bonnes performances, avec une hausse de plus de 12 %, et une réduction des spreads de plus de 100 points de base. Hormis quelques faiblesses légères et passagères en février/mars en raison de l’agitation autour de la SVB (Silicon Valley Bank) et du Crédit Suisse, et ensuite en octobre, en raison de la montée des tensions au Moyen-Orient, tous les mois ont affiché une performance positive. Les deux derniers mois de l’année, en particulier, ont été marqués par de fortes hausses portées par les spéculations du marché sur des baisses imminentes des taux directeurs dans un contexte d’inflation en baisse et de situation macroéconomique fragile.
Perspectives pour 2024
En 2024, nous anticipons une croissance européenne au ralenti. Au cours du premier semestre, en particulier, l’économie pourrait être mise sous pression par des coûts énergétiques restant élevés et une consommation très molle. Au second semestre, la hausse des salaires réels et la baisse des taux d’intérêt pourraient conduire à une amélioration de la situation économique. De plus, la baisse généralisée de l’inflation permettra aux banques centrales de réduire leurs taux directeurs. Le calendrier de ces baisses reste cependant très incertain et pourrait entraîner des déceptions sur les marchés des capitaux. Enfin, le niveau d’endettement élevé des États et l’imprévisibilité persistante de la situation géopolitique constituent des sources de volatilité.
Le niveau de rendement de 3,6 % (au 31 décembre 2023) pour le crédit de qualité investment grade offre un portage solide, surtout si l’on tient compte d’éventuelles réductions des taux d’intérêt plus tard dans l’année. Le marché a intégré un scénario d’atterrissage en douceur, avec une tendance désinflationniste qui ramènerait l’inflation vers les objectifs des banques centrales. Un ralentissement de la croissance a été pris en compte, mais pas une récession. En cas de récession plus forte qu’attendue, les niveaux de rendement sous-jacents seraient susceptibles de baisser davantage, compensant ainsi une hausse potentielle des spreads de crédit.
De leur côté, les conditions et la qualité du marché high yield européen restent bonnes : plus de 60 % des émissions se situent dans la fourchette BB, et on observe une tendance positive sur les changements de notation (plus de relèvements que de dégradations). Si l’on excepte des sociétés immobilières, secteur dans lequel nous prévoyons la plupart des défaillances à venir, la liquidité des sociétés est satisfaisante et les échéances futures peuvent être refinancées rapidement. Le marché high yield des nouvelles émissions devrait être porteur en 2024.
Attention aux risques
Un des facteurs de risques, qui est susceptible de mener à un élargissement des spreads, est un ralentissement économique d’une ampleur inattendue. Toutefois, la plupart des entreprises investment grade sont généralement bien positionnées pour y faire face avec en général une bonne qualité de crédit, un effet de levier relativement faible et de bonnes réserves de liquidités constituées au cours des dernières années. Néanmoins, une sélection fondamentale du crédit reste cruciale dans ce contexte de coûts énergétiques élevés et de fragilité de la demande des consommateurs. Il faut concentrer les investissements sur des entreprises bénéficiant d’un modèle robuste et capables de contrer une éventuelle faiblesse de la consommation grâce à un niveau d’endettement modéré ou pouvant être réduit rapidement.