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Relancer le logement : à quel prix ?

Le gouvernement a voté en mai une loi pour relancer le marché du logement en incitant les investisseurs privés à réinvestir dans l'immobilier neuf avec des avantages fiscaux et en augmentant le parc de logements abordables via des achats directs de projets par l'État.

En mai le gouvernement votait une loi et une série de mesures en vue de la relance du marché du logement. Quel en est l’objectif ? Et quel en sera l’impact pour les investisseurs et les acteurs du secteur ? Pierre Clement, fondateur et gérant de Nexvia, apporte des éléments de réponse.

En mai, le gouvernement votait une loi introduisant un paquet de mesures en vue de la relance du marché du logement. Celle-ci vise à redynamiser le marché du logement et à soutenir le secteur de la construction. Un volet concerne aussi le logement abordable : à savoir accroître le nombre, tout en assouplissant les conditions d’accès à ces biens.

Quel en est l’objectif ? Et quel en sera l’impact pour les investisseurs et les acteurs du secteur ? Et surtout, les mesures proposées répondront-elles aux défis du marché du logement et du secteur de la construction ?

Pierre Clement, fondateur et gérant de Nexvia, une société luxembourgeoise spécialisée dans le conseil et l’expertise immobilière, apporte des éléments de réponses.

Quels sont les objectifs concrets de la loi ?

Pour le volet investissement privé et relance du logement particulièrement, l’objectif à court terme est de redynamiser les ventes en état futur d’achèvement, via un lot de mesures fiscales limitées à l’année 2024.

Ces mesures incitent les investisseurs particuliers privés dans l’immobilier à renouveler rapidement leur parc immobilier existant.  Et ce, en revendant les biens anciens avec une imposition réduite sur la plus-value, ou bien nulle en cas de rachat de biens en classe de performance énergétique A+.

Et surtout, en réinvestissant leurs fonds dans des logements en construction, en vue de bénéficier d’allégements fiscaux importants via l’amortissement accéléré de 6% pendant six années de la quote-part construction qui correspond généralement à 60% du prix d’acquisition d’un logement neuf.

Pourquoi s’adresser à ces investisseurs privés ?

Historiquement, ce sont les particuliers qui ont choisi d’investir dans l’immobilier résidentiel et qui en ont fait une de leurs classes d’investissements préférées. Leur participation dans les nouvelles résidences était autrefois prédominante. Dans les grandes résidences en ville, ils représentaient souvent plus de 60% de l’investissement, contre moins de 40% de propriétaires-occupants. Avec l’augmentation des taux d’intérêt ces dernières années, leur part a chuté. Cette baisse des investissements est un vrai sujet ; puisque le Luxembourg a besoin de beaucoup de logements et que les projets étaient moins sollicités par les investisseurs.

Le gouvernement souhaite donc absolument donner un coup de pouce à ces investisseurs pour les aider, les motiver à racheter et à réinvestir dans du logement neuf.

« Il s’agit de faire revenir en priorité les gros investisseurs particuliers. »

Concrètement, qui sont ces investisseurs ?

Il s’agit en tout cas de faire revenir en priorité les gros investisseurs particuliers, puisque les allégements fiscaux concernent des montants d’acquisition jusqu’à 10 millions d’euros en 2024.

Actuellement, on observe deux profils : celui plus traditionnel du particulier luxembourgeois qui a hérité de terrains qu’il a pu revendre avec un gros bénéfice ; ou qui possède un parc immobilier très ancien. Qui dispose en tout cas d’une fortune liée à l’immobilier.Ces mesures peuvent faire sens pour eux, car ils peuvent revendre leurs biens avec un faible impôt sur la plus-value, s’ils réinvestissent ensuite dans du neuf.

L’autre profil, qui est monté en puissance ces 15-20 dernières années, est par exemple l’indépendant, le médecin spécialiste, le directeur de société, l’associé dans un cabinet d’avocat ou d’audit… Avec des fortes rémunérations, qu’ils investissaient dans l’immobilier à des fins de défiscalisation.

En 2021, toutefois, la réduction du taux de défiscalisation avait détourné ces capitaux du marché immobilier. La loi votée le réhausse via ce dispositif d’amortissement à 6% sur six ans. Avec cette fois l’avantage de concerner un nombre important de biens, alors que les mesures fiscales sont normalement limitées à deux biens.

Quel rendement pourraient-ils tirer de telles opérations ?

D’après nos calculs, l’absence de frais d’enregistrement et l’augmentation de l’amortissement accéléré contribuera à augmenter le rendement annuel net de l’investissement de 5,7% à 8,2% (soit 2,5% de plus) sur six ans. Et ce, avec comme hypothèses un rendement brut de 3,25%, un apport de 100,000 euros, un emprunt à 3,65% et une augmentation annuelle de la valeur du bien sur base d’une inflation à long-terme attendue à 2%.

À quels autres acteurs du logement la loi s’adresse-t-il ?

Le programme gouvernemental compte une importante initiative d’achat en direct de projets sur plan ; il s’adresse aux promoteurs, en les incitant à revendre leurs projets invendus à un acheteur triple-A : l’État. Avec ces appartements, ce dernier pourra ainsi augmenter le parc de logements abordables. Néanmoins pour aboutir à la finalité recherchée, les promoteurs devront commencer à accepter la réalité du marché, et adapter leurs prix, pour faciliter l’absorption des projets de développement actuels et futurs. L’État fournit ici un effort substantiel en leur faveur.

« Ces mesures ne résoudront pas le problème de fond du logement au Luxembourg. »

Quelle est actuellement la situation des promoteurs ?

Dans ce paquet de mesures, l’État se porte donc acquéreur de logements et de projets qui n’ont pas trouvé preneurs auprès des acquéreurs naturels. L’état fait un geste, le promoteur doit en faire lui aussi. En tout cas, les mesures exceptionnelles prises par le gouvernement pour soutenir le secteur de la construction résidentielle ne peuvent qu’être applaudies. Néanmoins, elles ne résoudront pas le problème de fond du logement au Luxembourg.


Cet article est paru dans la seconde édition du magazine Forbes Luxembourg. Vous souhaitez en recevoir un exemplaire? C’est par ici!

Marc Auxenfants
Marc Auxenfants
Marc couvre les affaires et la gestion, la banque et la finance, les start-ups et l'innovation. Marc a précédemment travaillé comme reporter pour le Luxembourg Times, le Luxemburger Wort et Paperjam, et a écrit des contributions entre autres pour la BBC, The Guardian, InCyber et Silicon Luxembourg.

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