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Réussir en couple ? 

Deux couples partagent leurs expériences sur les défis et avantages de diriger ensemble une entreprise, soulignant l'importance de la complémentarité des rôles dans leur réussite.

Les chances et les défis de diriger ensemble une entreprise internationale en tant que couple amoureux. Deux couples, deux entreprises, deux interviews.

Ce qui a commencé avec une maison en Sicile est devenu une entreprise de plusieurs millions de dollars : The Thinking Traveller. Rossella et Huw Beaugié ont fondé leur société en 2002 et ils ont considérablement développé leur entreprise depuis le lancement. 

Comment avez-vous décidé de créer votre entreprise et de la diriger ensemble ? Avez-vous déjà pensé que démarrer une entreprise en couple pourrait être risqué ?

Rossella Beaugié : Le rêve derrière The Thinking Traveller a été forgé en 2000, dans le creuset volcanique des îles Éoliennes. Le matin après une ascension nocturne du Stromboli incandescent, Huw et moi sommes descendus vers la côte en contrebas, avons plongé dans les eaux transparentes de la mer Tyrrhénienne, et avons pris une décision qui allait changer nos vies : nous avons décidé de créer une entreprise de voyages pour faire découvrir la Sicile aux voyageurs exigeants.

Huw : J’ai toujours voulu créer ma propre entreprise, surtout après avoir travaillé pendant plusieurs années pour de grandes entreprises. La Sicile est la terre natale de Rossella, alors elle voulait vraiment partager et mettre en valeur les innombrables trésors historiques, architecturaux, culturels et gastronomiques de l’île, qui étaient relativement peu connus à l’époque.

Rossella et Huw Beaugié (Photo © The Thinking Traveller)

Quels sont les avantages et les défis de gérer une entreprise en couple ?

R : Travailler ensemble de manière aussi intense fait de vous des « partenaires » sur tous les fronts. Cela renforce le lien et signifie que vous devez compter l’un sur l’autre (et, dans une certaine mesure, vous remplacer mutuellement). Les voyages d’affaires peuvent aussi avoir un côté romantique agréable.

H : D’un autre côté, il peut être difficile de se déconnecter et de parler d’autre chose que du travail. C’est particulièrement vrai dans les moments plus difficiles, comme pendant la pandémie.

Dans quelle mesure intégrez-vous votre entreprise dans votre vie privée ou parvenez-vous à la séparer (est-ce même possible ?) ?

R : C’est la partie difficile ! Il n’y a presque pas de séparation, d’autant plus que beaucoup de propriétaires de nos villas sont ou sont devenus des amis. Et notre équipe a toujours été pour nous une famille élargie.

H : Nos enfants, qui ont grandi avec notre entreprise, aiment voyager avec nous et ont eux-mêmes visité de nombreuses propriétés. C’est sans doute amusant pour eux.

Quel serait le pire scénario pour vous ? Continueriez-vous l’entreprise, quelle que soit la situation privée, et comment ?

H : Curieusement, ce n’est pas quelque chose auquel nous avons beaucoup réfléchi en 23 ans ! Je suppose que c’est un bon signe ! Quoi qu’il en soit, oui, nous trouverions certainement un moyen de continuer. Nous avons une équipe extrêmement solide et les décisions ont toujours été prises de manière très démocratique avec notre équipe de direction senior et maintenant avec notre merveilleux CEO.

« Il y a toujours eu une tension saine entre la prise de risques et la croissance. »

Y a-t-il une vision typiquement féminine ou masculine des choses dans votre entreprise que vous ne voudriez pas perdre – et d’autre part, des conflits causés par votre lien privé ?

R : Pas nécessairement masculin-féminin, mais il y a toujours eu une tension saine entre la prise de risques et la croissance, par opposition au désir de s’assurer que tout est toujours sous contrôle. Cela a parfois causé un peu d’inquiétude au sein de l’équipe, car ils craignaient parfois de devoir « prendre parti ». Heureusement on a toujours trouvé un équilibre.

Quels sont vos plans pour l’avenir, quelle est la direction de TT ? Vous êtes très sélectifs et responsables dans le développement de votre entreprise, vous vous attachez à respecter et à impliquer les locaux, et pourtant, vous avez considérablement développé votre entreprise depuis le lancement en 2002.

H : Notre désir est de continuer à croître de manière organique en termes de destinations et de villas. En même temps, nous nous engageons totalement à continuer de repousser les limites de la cohérence, en ce qui concerne la qualité de nos villas, notre service et notre soutien sur le terrain.

R : La clé est de pouvoir faire cela dans plusieurs destinations où les infrastructures sont différentes. Récompensée pour son engagement en faveur d’une croissance durable, tant pour l’environnement que pour la communauté, nous sommes fiers d’être la toute première entreprise de location de villas à obtenir la certification B Corp.

À propos de The Thinking Traveller

Rossella et Huw Beaugié ont fondé leur société The Thinking Traveller en 2002, puis se sont associés avec les partenaires commerciaux grecs Anna Deimezi et Dimitri Giannakopoulos en 2021. Ensemble, ils louent plus de 350 propriétés privées en Sicile, dans les Pouilles, en Grèce et en Corse, pour des groupes de 4 à 24 personnes. Les hébergements luxueux se distinguent toujours par leur architecture exceptionnelle, leur design intérieur et leur lieu, avec des équipements de luxe et une gamme de services, allant du ménage quotidien aux dîners privés avec chefs personnels, assurés par des équipes locales. The Thinking Traveller s’engage activement à promouvoir un tourisme durable à travers son activité, en investissant dans l’économie locale, en participant à des projets de conservation et en parrainant des événements culturels locaux. Les réservations ont augmenté de manière significative ces dernières années, les fondateurs attribuant leur succès au facteur d’exclusivité et à la qualité réfléchie de leur service. 

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Denis et Mathilde Rutot-Pirlet, à la tête du groupe Hanin, ont transformé une société centenaire en un acteur majeur sur le marché européen et au-delà. Ils se définissent comme des constructeurs et affirment que le plus important est d’avoir des rôles clairs.

Comment avez-vous décidé de diriger l’entreprise familiale ensemble ? 

Denis Rutot : On ne décide pas de diriger une entreprise, mais si les conditions sont favorables, on peut y penser sérieusement. Nous avions tous les deux le bagage académique, notre situation familiale et de couple était stable, et ensuite, l’opportunité s’est présentée. 

Mathilde Rutot : Quand cette opportunité s’est présentée, nous avions tous les deux un emploi confortable. On s’est demandé : « Et si on faisait une offre ? » Pour moi, c’était une évidence : oui. 

Denis Rutot : Nous connaissions tous les deux la situation, nos parents ayant eux-mêmes toujours travaillés ensemble.

« Être épouse et être collègue sont deux choses bien distinctes qu’il faut séparer. »

Denis et Mathilde Rutot-Pirlet (Photo © Châssis Hanin)

Avez-vous pensé qu’il pouvait être risqué de gérer une entreprise en couple ? Que saviez-vous à ce sujet de vos parents alors ?

MR : Oui, il faut y réfléchir. Il y a des risques financiers, car il faut un revenu pour vivre. Je désirais également préserver ma relation avec Denis. Être épouse et être collègue sont deux choses bien distinctes qu’il faut séparer. Nous avons veillé que le foyer familial soit à quelques kilomètres de l’entreprise. 

DR : Contrairement à mes parents, qui étaient agriculteurs, où vie de famille et travail étaient très proches.

Quels sont les avantages et les défis de gérer une entreprise en couple ?

MR : Un grand avantage est notre complicité et la confiance totale l’un envers l’autre. Bien sûr, nous avons confiance en nos collaborateurs, mais celle entre Denis et moi est inconditionnelle.

DR : … et aussi en termes de complémentarité. En cas de difficulté, nous nous soutenons mutuellement.

MR : Nous avons un dialogue constant, que ce soit au bureau ou à la maison. En tant que parents, la priorité reste la vie familiale. Quand les enfants étaient scolarisés, je m’organisais bien : je les emmenais à l’école et les récupérais à 16 heures.

DR : J’ai bien sur également participé à la logistique et à l’éducation familiale, mais dans une moindre mesure. Chacun a dû compenser le we, les tâches qui n’ont pas pu être réalisées la semaine.

Y a-t-il un point de vue typiquement féminin ou typiquement masculin dans votre entreprise que vous ne voulez pas manquer ?

MR : Nous avons réparti nos compétences et défini des rôles clairs. Denis gère la production, les ressources humaines et les finances, tandis que je m’occupe du commercial et du marketing.

DR : Je me concentre sur les faits, tandis que Mathilde, avec son empathie, facilite les discussions. Peut-être est-ce une différence entre masculin et féminin ? En tout cas, nous sommes conscients des sources de conflits et agissons en conséquence.

MR : Notre avantage est d’avoir commencé ensemble. Denis n’est pas mon chef, et je ne suis pas le sien.

Hanin est orientée à l’international et opère sur différents marchés. Comment s’est déroulée l’expansion et pourquoi de cette manière ?

MR : Nous avons repris quatre entreprises, toutes en difficulté. En toute modestie, nous sommes des constructeurs et aimons l’idée de « restaurer » les choses.

DR : Les quatre entreprises qui composent le groupe HANIN se complètent parfaitement. La crise financière de 2008 a notamment impacté une partie de notre activité qui était orientée vers la fabrication de menuiseries métalliques pour le secteur bancaire. Les banques n’ayant plus besoin de guichets sécurisés, nous avons cherché de nouveaux marchés. Nous avons profité de missions économiques pour nous faire connaître hors de nos frontières. Depuis 2014, Hanin exporte au Moyen-Orient (Qatar) mais également aux USA. Aujourd’hui, nous y gérons de grands chantiers. La prochaine étape est une expansion vers l’Arabie Saoudite.

Quel a été un moment particulièrement fort pour vous ces dernières années ? 

MR : Un moment fort est lié à notre belle aventure de partenariat belgo-luxembourgeois avec la société Ost Fenster, dirigé par la famille Hilger. Ici, ce sont d’ailleurs la sœur et le frère qui dirigent l’entreprise. Ensemble, nous travaillons sur un chantier au Moyen-Orient avec la réalisation conjointe d’une commande de 3 millions d’euros. Nous étions aussi présents à l’Exposition universelle de Dubaï comme entreprise « made in Luxembourg » où nous avons eu une belle expérience « familiale » de tenue de stand.

Vos enfants sont-ils intéressés à se lancer dans les affaires ?

DR : Aucun de nos enfants n’est encore impliqué actuellement. Nous préférons qu’ils se forgent une expérience professionnelle ailleurs avant, s’ils le désirent, de rejoindre l’entreprise familiale. Ils sont de jeunes adultes et sont conscients du patrimoine entrepreneurial familial, cependant pour une transmission réussie, cela devrait toujours découler d’une passion et pas d’une obligation.

À propos de Châssis Hanin

Fondée en 1905 par Georges Hanin à Marche-en-Famenne, l’entreprise Châssis Hanin a été reprise par le couple Rutot-Pirlet en 1992 et s’est depuis largement développée. Aujourd’hui, elle compte trois ateliers en Belgique et au Luxembourg : deux spécialisés en vitrerie/miroiterie à Jambes et Grass (LU), et un en menuiserie PVC, acier et aluminium à Marche en Famenne. Avec quatre points de vente, elle dessert la Belgique, le Luxembourg, la France, le Moyen-Orient, et exporte ses produits artisanaux à l’international. Grâce à son expertise multidisciplinaire, Châssis Hanin offre un service sur-mesure et haut de gamme pour l’aménagement de maisons et d’espaces professionnels. L’entreprise emploie actuellement une cinquantaine de personnes.


Cet article est paru dans la troisième édition du magazine Forbes Luxembourg. Vous souhaitez en recevoir un exemplaire? C’est par ici!

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