Le micro-rover Tenacious, développé et assemblé au Luxembourg, devrait quitter la Terre fin 2024 pour se rendre sur la Lune, où il collectera notamment du régolithe lunaire pour le compte de la NASA. L’occasion de tester en pratique la loi luxembourgeoise sur les ressources spatiales.
Le rover Tenacious, qui partira pour la Lune à l’hiver 2024 à l’aide d’une fusée Falcon 9 de SpaceX, est « le tout premier à être développé et assemblé au Luxembourg », a rappelé jeudi matin le ministre de l’Economie, Lex Delles (DP), lors de la présentation dudit rover dans les locaux d’ispace à Luxembourg-ville.
Son nom, Tenacious, n’a pas été choisi au hasard: après avoir créé un premier rover dix ans plus tôt du nom de Sorato avant de constater que les solutions de transport Terre-Lune n’étaient pas suffisamment fiables, puis après avoir échoué à alunir il y a un an lors de la « Mission 1 », ispace récidive avec la « Mission 2 », mais avec la ferme intention de la mener à bien de A à Z. « Ce nom évoque l’esprit d’ispace, qui rebondit après l’expérience M1 avec l’ambition de réussir pleinement sur M2 », explique le CEO d’ispace-Europe, Julien Lamamy. « Nous avons donc décidé de nommer le rover dans le même esprit: Tenacious. »
Avec ses 5 kg, ses 26 cm de haut, 31,5 cm de large et 54 cm de long, Tenacious est l’un des micro-rover les plus petits et les plus légers jamais construits. Mais il est capable de transporter jusqu’à un kilogramme de charge utile. Equipé d’une caméra HD montée à l’avant qui peut capturer des images de la surface lunaire, de quatre roues conçues de manière à ce qu’il puisse traverser le régolithe lunaire de manière stable, le rover sera, une fois sur la Lune, monitoré depuis le centre de contrôle au Luxembourg.
« Il s’agit d’une démonstration de faisabilité juridique destinée à tester les différents cadres juridiques relatifs aux ressources spatiales. »
Collecter et vendre du régolithe lunaire à la NASA
Tenacious devra, une fois déployé à partir de l’atterrisseur lunaire Resilience, lui aussi développé par ispace, procéder à l’exploration de la surface pour le compte de différents clients. « Il s’agit de caractériser l’environnement lunaire, qu’on connaît très peu depuis la surface », explique Julien Lamamy, et ce à l’aide d’une série d’« expériences assez basiques » : impact de l’alunissage sur l’environnement lunaire, épaisseur de pénétration du rover sur le sol, le tout afin de déterminer les ressources disponibles – notamment l’eau -, leur quantité, leur localisation, leurs propriétés, mais aussi les possibilités d’extraction. « Après, c’est notre première tentative, donc le but est avant tout de démontrer que nous sommes capables de le faire, puis d’augmenter l’impact scientifique et recherche avec le temps », tempère toutefois Julien Lamamy.
Une des missions principales, la collecte de régolithe lunaire, sera effectuée pour le compte de la NASA. L’agence spatiale a en effet chargé ispace-Europe d’acquérir du régolithe depuis la surface lunaire afin, dans un second temps, de le lui acheter – un achat pour une somme symbolique de 5.000 dollars. L’échantillon sera ensuite photographié à l’aide d’un appareil photo monté sur le rover puis potentiellement soumis à des analyses.
Un test pour la loi luxembourgeoise sur les ressources spatiales
Mais, au-delà des aspects techniques et scientifiques, le vrai test est ici d’ordre réglementaire: il s’agit de mettre en pratique la loi luxembourgeoise sur l’exploitation des ressources spatiales de 2017 – la deuxième loi adoptée dans le monde dans ce domaine. « Il s’agit d’une démonstration de faisabilité juridique destinée à tester les différents cadres juridiques relatifs aux ressources spatiales », explique Julien Lamamy. « Ce sera certainement la première fois pour le Luxembourg, peut-être même la première fois au niveau mondial. »
Il s’agit donc d’« une excellente occasion de mettre cette loi en pratique », mais également de « susciter une discussion sur la manière de mettre en place ce type d’accord à l’échelle mondiale », puisqu’aucun accord international n’existe encore dans le domaine. « Nous faisons la preuve par l’action, avec l’autorisation du gouvernement luxembourgeois, tout en soutenant les discussions à des niveaux plus élevés sur la scène internationale quant à la façon de procéder à l’avenir », détaille Julien Lamamy. Tenacious se trouve ainsi au cœur de ce qu’il considère comme étant « un exemple de petite mission ayant un impact important, non seulement dans le domaine des explorations scientifiques, mais aussi dans celui des réglementations internationales sur les ressources spatiales. »