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Une solution modulaire à la crise du logement 

Steve Krack, entrepreneur et designer, évoque son parcours dans la construction, notamment sa solution de logement modulaire abordable qui allie durabilité et design pour répondre à la crise du logement au Luxembourg.

Dans cette interview, l’entrepreneur et designer Steve Krack évoque son parcours de plusieurs décennies dans la construction, depuis les rénovations de patrimoine jusqu’à sa dernière solution de logement modulaire d’avant-garde qui s’attaque à la crise du logement au Luxembourg en y mettant du design et de l’âme.

Vous êtes entrepreneur et designer depuis plus de 25 ans, actif dans le secteur de la construction de boutiques. Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir designer au départ ?

J’ai toujours rêvé de devenir designer, même si je n’étais pas très académique. Je n’ai pas suivi de formation formelle en design ou en construction. J’ai plutôt appris de manière autodidacte par l’expérience pratique, en commençant par acheter et rénover de petits appartements. Cela m’a permis de développer ma philosophie du design de manière organique.

J’ai toujours cherché à respecter l’âme d’un bâtiment plutôt que de suivre des normes conventionnelles. Au fil du temps, mes projets ont pris de l’ampleur, mais je n’ai jamais perdu de vue ce principe, raison pour laquelle j’ai tendance à travailler sur des bâtiments uniques et non standardisés. L’idée de devenir designer a toujours été mon objectif, et j’ai passé des années à dessiner et à imaginer des espaces sans plans formels. Aujourd’hui encore, je suis capable de visualiser dès le départ l’aspect d’un projet fini.

« Les jeunes générations n’ont plus le même attachement à la propriété. »

Vous vous êtes d’abord spécialisé dans la construction et la rénovation du patrimoine avant de vous tourner vers des conceptions plus avant-gardistes qui mettent en œuvre des pratiques de construction circulaire. Qu’est-ce qui a motivé ce changement ?

Deux raisons principales. Aujourd’hui, le logement doit être plus flexible et mobile, à l’instar d’autres services tels que la location de voitures ou les contrats de smartphones. Les jeunes générations n’ont plus le même attachement à la propriété, qu’il s’agisse d’une voiture ou d’un logement. Cette évolution, associée à la flambée des prix de l’immobilier au Luxembourg, m’a amené à repenser le fonctionnement du logement.

La deuxième raison est l’économie circulaire. En adoptant des pratiques de construction circulaire, je réponds au besoin de logements durables et rentables. Ces concepts réduisent les déchets en réutilisant les matériaux et rendent les logements plus abordables à long terme. Mon travail a toujours consisté à trouver des solutions qui non seulement répondent à des besoins pratiques, mais qui mettent également en valeur le design et l’âme des espaces.

Quels sont les défis et les risques liés au travail sur des concepts de construction d’avant-garde ? Comment essayez-vous de les réduire au minimum ?

Le plus grand défi est que ces concepts sont nouveaux et n’entrent pas dans les catégories établies, tant pour les urbanistes que pour les banques. Si vous proposez un concept spécial, personne n’a de chiffre standard. Par exemple, lorsque j’ai proposé de transformer un entrepôt en hôtel, les autorités municipales et les banques n’ont pas compris. Comme il n’y avait pas de précédent, elles hésitaient à approuver ou à financer le projet.

C’est là que la persévérance et la créativité entrent en jeu. Il faut communiquer clairement sa vision et travailler avec ceux qui en voient le potentiel. Même lorsque les banques sont réticentes, j’ai souvent dû investir davantage de mon propre argent dans les projets pour les réaliser. Pour minimiser les risques, il faut faire preuve de patience et trouver des partenaires qui partagent la même vision. Il s’agit d’aller constamment de l’avant, même lorsque la route n’est pas claire.

Vous avez récemment lancé votre projet Schmalshuus, qui transforme de vieux conteneurs d’expédition en logements modulaires abordables ou en chambres d’hôtel. Comment vous est venue cette idée ?

L’idée d’utiliser des conteneurs d’expédition m’est venue parce qu’ils sont polyvalents, durables et abordables. Les conteneurs sont étanches et ont une forme unique, ce qui les rend idéaux pour la construction modulaire. Le fait qu’ils soient facilement disponibles et peu coûteux a également joué un rôle. Au Luxembourg, les prix de l’immobilier sont absurdes, et ce projet offre une solution en réutilisant des matériaux qui seraient autrement perdus. Les conteneurs constituent une base solide et, en les modifiant, j’ai pu créer des espaces fonctionnels et esthétiques. Avec Schmalshuss, je voulais créer quelque chose qui ait une identité. Le défi consistait à faire en sorte que ces unités se sentent comme des maisons, et non comme de simples conteneurs réutilisés, c’est pourquoi je me concentre sur le design et veille à ce qu’elles aient une identité unique.

Le projet vise à résoudre certains problèmes de logement au Luxembourg. Pouvez-vous nous expliquer lesquels et comment ?

Le Luxembourg est confronté à deux problèmes majeurs : le logement et la mobilité. Le coût élevé de la vie et de l’immobilier signifie qu’un logement abordable est hors de portée pour beaucoup, en particulier pour les jeunes. Mon projet vise à fournir des logements modulaires abordables qui peuvent être placés sur des terrains qui ne sont pas encore autorisés pour un développement permanent.

Nous essayons de placer ces modules sur des terrains qui ne sont pas encore autorisés. Cela nous permet de créer des solutions de logement temporaires tout en respectant les réglementations foncières. En proposant ces unités à un prix bien inférieur à la moyenne du marché, nous offrons une alternative à la fois abordable et flexible. Ils coûtent bien moins de 100 000 euros et nous pouvons même proposer un prix de location bon marché. C’est un pas en avant pour répondre à la pénurie de logements tout en utilisant des espaces sous-utilisés.

Vous avez collaboré avec la CDCL (Compagnie de Construction luxembourgeoise) sur ce projet. Quels sont les détails de cette collaboration ? Et combien d’unités espérez-vous construire ?

La collaboration avec la CDCL, une importante société de construction au Luxembourg, a été essentielle pour la mise à l’échelle du projet. La CDCL est à la fois le partenaire industriel et financier, fournissant des terrains et des ressources auxquels je n’aurais pas pu accéder seul en tant que designer indépendant. La CDCL est à la fois le partenaire industriel et le partenaire financier, et elle est propriétaire du terrain.

Notre objectif est de construire 50 unités dans un premier temps à Luxembourg-Ville. Avec le soutien de la CDCL, nous disposons d’un plus grand poids politique pour obtenir des changements réglementaires et garantir la réussite du projet. La CDCL veut s’investir à fond car elle voit le potentiel de l’habitat mobile. L’objectif est d’étendre le projet autant que possible, non seulement pour répondre aux besoins de logement du Luxembourg, mais aussi pour créer un modèle pour les futurs développements de logements modulaires.

Comment évaluerez-vous la réussite ou l’échec de ce projet ?

Pour moi, le projet est déjà une réussite parce qu’il est parti d’une idée et qu’il est maintenant une réalité. Penser à quelque chose et le voir achevé, c’est déjà une réussite. La mise à l’échelle du projet est certainement intéressante, mais elle n’est pas aussi satisfaisante que le processus de conception initial. Bien sûr, j’examinerai des paramètres pratiques, comme le nombre d’unités que nous construisons et l’impact sur l’accessibilité au logement, mais la mesure la plus importante pour moi est de savoir si les gens apprécient de vivre dans ces espaces. Si les gens sont fiers d’y vivre et si le projet contribue à atténuer certains problèmes de logement au Luxembourg, alors je le considérerai comme un véritable succès. En fin de compte, l’accomplissement créatif m’importe plus que le résultat financier. J’ai toujours cherché à créer quelque chose qui ait une âme, quelque chose que les gens apprécieront et aimeront.

« Quel que soit le nombre d’échecs rencontrés, il faut continuer à aller de l’avant. »

Quelle est la plus grande leçon que vous avez apprise au cours de vos 25 années d’activité en tant qu’entrepreneur et designer ?

La leçon la plus importante est de ne jamais abandonner et d’aller de l’avant. J’ai été confronté à d’innombrables défis, et le chemin n’est jamais facile lorsque vous travaillez sur quelque chose de nouveau et de différent. Mais la persévérance est la clé. Quel que soit le nombre d’échecs rencontrés, il faut continuer à aller de l’avant. Il est important de se concentrer sur ce qui compte vraiment : créer quelque chose de significatif qui reflète votre passion et votre vision. La réussite n’est pas seulement une question de gain financier, c’est aussi une question de fierté pour ce que l’on a créé.


Cet article est paru dans la troisième édition du magazine Forbes Luxembourg. Vous souhaitez en recevoir un exemplaire? C’est par ici!

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